Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
La vallée de la Tinée rouvre ses routes aux secours
La Métropole met tout en oeuvre pour faciliter les convois terrestres d’acheminement de médicaments, d’eau et de nourriture. Reportage à fleur et flanc de routes avec les services hier
Des tonnes de boue, de pierres et d’arbres déchiquetés, démembrés par la tempête Alex. Les épaules du maire de Marie s’affaissent. Il semble minuscule face à ce mur qui barre la route d’accès à son village. Deux jours qu’il n’a pas pu monter. Et ses administrés seuls là-haut. Deux jours qu’il n’a pas dormi. « Je sais que les dégâts sont moindres par rapport à La Vésubie, on est tous vivants mais… » La voix de Gérard Steppel se brise. Il essuie pudiquement les larmes qui montent. Joseph Segura, vice-président de la Métropole en charge des infrastructures, passe son bras autour de ses épaules : « On reconstruira tout, tu verras… » « On y arrivera, ça va être long mais on va y arriver », abonde Joël Migliore, le chef du pôle accompagnement des communes au cabinet de Christian Estrosi. « Oui, sourit doucement la conseillère départementale Caroline Migliore, oui, c’est sûr ! » Au pied de l’éboulement, José Aveline, le directeur des subdivisions métropolitaines, évalue l’obstacle. Mesure la difficulté. Interroge Jean-Marie Fabron, son second sur le secteur de La Tinée : « On peut déblayer ça demain ? ». Affirmatif. Gérad Steppel retrouve un semblant de sourire.
« Libérer la route »
L’équipe de la Métropole remonte dans le 4x4 d’astreinte. Et repart. Sa mission ce dimanche : effectuer une reconnaissance des routes de La Tinée, établir les points de blocage, « faire le maximum pour libérer la route pour les convois d’urgence, assurer l’acheminent terrestre d’eau, de nourriture, de groupes électrogènes, de gasoil », explique Joël Migliore. Tout manque. Et les hélicos qui tournent en boucle dans le ciel gris métallique ne pourront pas tout assurer. Ouvrir la route est essentiel. Mais la route est déchirée. Depuis Nice, se succèdent trous béants, rocs qui bousillent le macadam, gouffres et rails de sécurité arrachés. A Bancairon, le 4x4 est quasi noyé dans l’eau et la boue. Plus loin la double voie s’est effondrée sur 500 mètres, il faut prendre l’ancienne route du ski, quasiment impraticable. «Les réparations se compteront en mois. Dans La Vésubie, elles se compteront en années », souffle José Aveline. On ne croise que pelleteuses et tristesse. Et pour ne rien arranger, une petite pluie glaciale se met à tomber. « Bon, on a eu le maire de Tournefort, il n’a pas de besoins particuliers. Le maire de La Tour dit qu’il gère aussi », récapitule Joël Migliore, dont le téléphone ne cesse de sonner. Direction Valdeblore. La maire Carole Cervel tient une réunion de crise à l’hôtel de ville. Ici, les visages sont épuisés, le téléphone ne passe plus ou presque, le réseau d’eau est au bout du bout, les rayons de l’épicerie bientôt vides et, s’inquiète le boulanger : « On a de la farine mais plus de levure ». La vie est sur un fil. Sur une fracture. «On est loin du cataclysme de Saint-Martin… », commence la maire interrompue par un coup de fil brinquebalant d’Enedis qui veut intervenir à Rimplas, juste à côté, mais qui veut connaître l’état de la route d’accès. « On vivote », poursuit-elle tandis que son premier adjoint reçoit un appel du PGHM, le peloton de gendarmerie de haute montagne, qui envisage la mort d’un enfant du pays. Larmes. « Avez-vous besoin d’une cellule d’écoute psychologique ? », demande le maire de Saint-Laurent-duVar, Joseph Segura. « Oui, peut-être, oui ». On fera tout notre possible, répond l’équipe de la métropole Nice Côte d’Azur.
« Comment êtesvous arrivés ? »
Il faut reprendre la route ou ce qu’il en reste. L’enjeu, accéder à Venanson, commune véritablement coupée du monde. Pour y arriver, il faut prendre, au milieu de La Colmiane, une piste de luge, une sente caillouteuse et incertaine bordée de canons à neige. 6 kilomètres d’angoisse et de dévers pour finir par s’échouer sur une frontière de pierres. Infranchissable. On continue à pied. Et on parvient la mairie. « Comment êtes-vous arrivés ? Par Valdeblore ? « Cet habitant est interloqué. La route qui relie la commune à La Colmiane s’est effondrée. Deux résidants du village, qui bossent dans le BTP, s’y affairent bénévolement avec leur petite pelleteuse, combat sysiphéen contre les éléments. Tout est coupé. En attendant, précise la maire Loetitia Lore, « il nous faut de l’électricité : on n’a pas de chauffage, rien. La solidarité est magnifique : le restaurateur du village fait à manger pour tout le monde, la ferme a offert ses légumes ». Mais cela ne suffira pas assurer la survie des 102 personnes présentes dont treize enfants. « On sera là demain à 9 heures pour libérer le sentier » assure la Métropole. C’est un enjeu essentiel. « Les routes sont interdites aux particuliers à partir de Pont de Clans mais les secours passeront dès demain pour aider les populations ».