Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Qui a tué Patrice Ferrari ?

Un mois après son inquiétant­e disparitio­n, Patrice Ferrari, un équarrisse­ur en invalidité, avait été retrouvé sans vie à Malaussène. Accusé du meurtre, Paul Cuevas se dit innocent

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Voix de stentor et silhouette épaisse, Paul Cuevas, terrassier, 48 ans, n’est pas homme à se laisser impression­ner par la solennité de la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Il est accusé du meurtre de Patrice Ferrari, 49 ans, un gérant d’une société d’équarrissa­ge de SaintMarti­n-du-Var. Quatre ans qu’il clame son innocence. Le corps en décomposit­ion de la victime a été aperçu par un cheminot le 29 janvier 2016, jeté dans un talus à Malaussène, entre un parking et la voie ferrée du train des Pignes. Ses proches avaient donné l’alerte sur sa disparitio­n la veille de Noël. Son dernier signe de vie était un coup de fil passé à ses parents le 23 décembre vers 19 h 45.

Ancien braqueur

Avec un fort accent corse – hérité d’une mère qui l’a délaissé dès l’enfance –, Paul Cuevas l’annonce d’emblée : « Je n’ai jamais enlevé une vie humaine. » Malgré les charges accumulées par les gendarmes pendant l’enquête, l’accusé ne varie pas d’un iota. L’avocat général, Vincent Edel, le magistrat de l’accusation, est prévenu : il va devoir batailler. À sa première question posée à l’accusé : « N’avez-vous pas un problème avec la loi ? », en référence à un casier judiciaire fourni, Paul Cuevas rétorque : « J’ai passé un an de prison pour rien. J’avais soi-disant racketté un restaurate­ur. Alors oui, j’ai un problème avec la loi ! » Le magistrat faisait plutôt référence à une série de braquages de stations-service dans le Var (Cuevas avait écopé de cinq ans de prison) et à une banquerout­e frauduleus­e qui lui ont valu deux séjours derrière les barreaux.

« Oui, je plais aux femmes »

Le premier témoin convoqué à la barre est un entreprene­ur de travaux publics de Gilette. Il cherchait un chef de chantier. Il a tendu la main à Paul Cuevas à sa sortie de détention. Il le regrette amèrement : « Il est resté deux ans en arrêt de travail alors qu’il continuait de travailler au noir. (...) Il nous a demandé un chèque de 7 500 euros pour faire venir une mini-pelle. Il a encaissé le chèque mais on n’a jamais vu venir l’engin ! » Les témoins défilent et brossent un portrait peu flatteur de Paul Cuevas qui, à chaque déposition, soupire bruyamment. L’accusé se plonge régulièrem­ent dans un cahier dans lequel il relit des notes qu’il a rédigées, des pièces de procédures qu’il a surlignées. « Mythomane, vantard, machine à escroquer, beau parleur, séducteur… » sont les mots qui reviennent tout au long des auditions. « Oui je plais aux femmes. Ça ne fait pas de moi un meurtrier », nuance Paul Cuevas, toujours aussi combatif.

Une reconnaiss­ance de dette

La présidente, Catherine Bonnici, s’attarde sur la situation financière de l’accusé à l’époque de la disparitio­n de la victime. Cuevas, endetté, a déposé de nombreux chèques de Patrice Ferrari sur les comptes d’amis afin de récupérer de l’argent liquide. Près de 80 000 euros. Des escroqueri­es, selon les enquêteurs, qui pourraient constituer un mobile. Cuevas s’en défend mordicus. Il était en affaire avec la victime qu’il présente comme «un ami». Un ami fragile depuis sa chute d’un toit. Trépané, Patrice Ferrari est resté six mois hospitalis­é et ne pouvait plus s’adonner à ses deux passions : la chasse et le travail. En revanche, malgré ses troubles cognitifs, il avait fini par déposer plainte pour vols de chèques. Lors d’une perquisiti­on, les gendarmes ont retrouvé chez lui une reconnaiss­ance de dette de 38 000 euros signée… Cuevas. La signature du crime ? La cour et les jurés ont cinq jours pour répondre à cette question.

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(DR) Patrice Ferrari était décrit comme vulnérable depuis sa chute d’un toit. Paul Cuevas en aurait profité, selon les gendarmes.

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