Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Hubert Falco : « Emmanuel Macron a changé »

Le maire de Toulon et président de la Métropole TPM recevra vendredi la Légion d’honneur, des mains d’Édouard Philippe. Il revient sur sa nouvelle relation avec le président Macron

- PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER MARINO ET STÉPHANIE MAYOL

Hubert Falco a beau, à 73 ans, avoir occupé pratiqueme­nt tous les mandats et fonctions de la République, quand l’élu varois (LR) vous reçoit dans son bureau de l’hôtel de la Métropole Toulon Provence Méditerran­ée, la première chose qu’il fait c’est vous remettre son CV. Forcément, il est long comme le bras. « C’est mon histoire », justifie-t-il avant de citer plusieurs fois pendant l’entretien cette phrase qu’il attribue au maréchal Foch : « Celui qui n’a pas d’histoire n’a pas de vie ». Élu sans discontinu­er depuis 1983 dans « son » Var qu’il aime tant, Hubert Falco joue les modestes : « Vous savez, je me remets toujours en question. Je me demande toujours si je suis digne de cette confiance accordée depuis si longtemps. Ne pas décevoir, ça a toujours été ma préoccupat­ion première. Je le dis toujours aux jeunes, vous pouvez avoir toutes les qualités du monde, il y a une qualité qu’il faut avoir, c’est le travail. » Une qualité qu’il partage semble-t-il avec le président Macron, qu’il a « redécouver­t » cet été dans le Var.

Comment analysez-vous la situation politique aujourd’hui en France à l’heure de la Covid ?

Vous savez, on a été élu le  mars (Hubert Falco a été réélu maire dès le er tour, Ndlr). Le  mars, on était confiné. Le  mars, le continent s’arrêtait. Qui aurait pu prévoir cela ? Tout est remis en question. L’objectif premier, c’est cette crise sanitaire, une terrible crise économique qui s’annonce doublée d’une crise sociale. Tout est rebattu. Peutêtre que la semaine prochaine, on ne pourra plus se voir parce qu’on nous dira de rester à la maison. Le Président va parler ce mercredi soir, qu’est-ce qu’il va nous dire ? Ce que je sais, c’est qu’à l’épreuve du pouvoir, le Président a changé.

Vous vous en êtes rendu compte en le rencontran­t à Toulon cet été?

Il est venu le  août à Toulon sur le thème de l’autonomie des personnes âgées, en disant « c’est un sujet que tu connais particuliè­rement bien », il se rappelait que j’avais été secrétaire d’État et ministre délégué aux personnes âgées. Il devait rester deux heures et il a finalement passé la journée ici. Ce n’était pas prévu dans son programme. (Photo Patrick Blanchard)

L’image où vous êtes attablés avec lui pendant deux heures a beaucoup circulé…

Deux heures et demi ! En tête à tête avec le président de la République. J’ai eu plaisir à échanger avec lui. Au bout d’un quart d’heure, je n’avais plus le Président en face de moi, mais un jeune homme brillant qui a parlé de la France. On a parlé de lui. On a parlé des problèmes que peut rencontrer le chef de l’État. On a parlé librement.

Ça a noué un lien entre vous ?

Ça m’a permis de le découvrir. C’est un homme intelligen­t, j’ai apprécié cette simplicité. Mais aussi brillant soit-il, il ne connaissai­t pas les territoire­s. La Covid a permis aussi de voir qu’il était indispensa­ble de s’appuyer sur des gens de terrains qui avaient les pieds par terre. Et il y a eu cette volonté de renouer avec le couple préfet-maire, tellement indispensa­ble. Je dis toujours à mes collègues : « Il ne peut pas y avoir   République­s. En France, il n’y en a qu’une, c’est la République française. » Donc les maires, il faut qu’on accepte la règle républicai­ne. Et elle est menée par celui qui a été mandaté par les Françaises et les Français, c’est le président de la République, voilà, c’est tout. J’ai trouvé un homme qui était avide de dialoguer, d’essayer de comprendre.

Il vous a demandé quelque chose, le Président ?

Moi, je ne lui ai rien demandé. Et c’est ce qui a permis peut-être d’avoir cette relation.

Vous continuez à échanger ?

Oui. Mais c’est entre lui et moi. On parle beaucoup ensemble. Mais je ne peux pas vous dévoiler ce qu’on se dit. Parce que je le décevrais. Il pourrait se dire : « Je me suis trompé ». Et non, il ne s’est pas trompé.

Des appels, des textos ?

Oui (grand silence). Vous savez le Président est quelqu’un qui ne dort pas beaucoup… Et moi je ne dors pas beaucoup non plus. Donc, voilà. Oui, il y a des échanges. Mais je fais bien la différence entre le Président et La République en Marche. Là-dessus, j’ai été clair avec lui. Après le cataclysme de la droite en , il y a eu cette formation qui, reconnaiss­ons-le, regroupe des gens très différents. Je connais des personnes qui sont beaucoup plus à droite que moi et qui étaient au parlement avec moi, et je connais des gens très à gauche, qui font partie d’En Marche. Vous savez, je suis un modéré. Je l’ai toujours été.

Il y a tout de même des échéances qui arrivent, est-ce que vous êtes favorable à une primaire à droite ?

Vous savez, la primaire, on voit où elle nous a menés. Donc attention. Je suis un homme libre aujourd’hui. Je ne renie rien mais les électrices et les électeurs m’ont permis d’être libre. Donc je ferais en sorte que celui ou celle qui est le ou la plus à même de représente­r mon pays soit en position de l’emporter.

Est-ce que ça peut-être Xavier Bertrand, qui n’est plus chez LR ?

Ça peut être X, Y, ou Z. L’objectif, c’est de battre Marine Le Pen. Je me suis toujours battu contre les extrêmes. En , j’aurais pu dire égoïstemen­t : « Je suis bien, je suis député, je suis président du conseil général, je suis maire de Pignans » (j’avais le droit de cumuler). On m’a demandé de venir me battre à Toulon et j’ai accepté.

Vous parlez de votre combat contre le RN et de dépasser les clivages, si demain vous pensez que c’est le Président qui est le plus à même de le battre…

Je n’hésiterai pas. Je l’ai déjà fait au deuxième tour. J’ai voté Macron.

Si la personnali­té « choisie » par Les Républicai­ns ne permettait pas de faire barrage au Rassemblem­ent national, vous pourriez soutenir Emmanuel Macron dès le tour ?

er Je suis loyal avec mon histoire, mon passé, loyal avec mes conviction­s. Loyal, mais libre. Je vous ai dit que la France était ce qu’il y a de plus important. Je choisirai l’homme ou la femme qui à mes yeux sera la personne de la situation pour sortir mon pays de l’épreuve qu’il traverse. Je me sens d’autant plus libre que Baroin n’est pas candidat.

C’est un regret pour vous ?

Oui. François est mon ami. C’est un maire, vous voyez, comme moi. Maintenant, lui n’étant plus là (soupir).

Renaud Muselier a évoqué un « plan B », Christian Estrosi a appelé à passer un accord avec le Président. Est-ce que vous partagez cette position avec le maire de Nice ?

Je partage beaucoup de choses avec Christian Estrosi et Renaud Muselier. Je partage notre territoire, je partage notre région, je partage les efforts qu’il faut faire. Regardez, on est en train de traverser des épreuves terribles. Christian en a traversé une dramatique avec les élus des Alpes-Maritimes. Il faut qu’on soit solidaires. On est solidaires. Il est peut-être prématuré de s’exprimer aujourd’hui sur l’élection présidenti­elle au regard des drames que nous vivons. Christian Estrosi, pour qui j’ai beaucoup d’amitié, a dit ce qu’il avait à dire, ça le regarde. Moi, je ne l’aurais pas dit. Mais il faut qu’on sorte de ce débat, « je suis à droite et pas à gauche », « tu es à gauche et pas à droite », « je suis pour et je suis contre ». Aujourd’hui, on est là pour accompagne­r nos concitoyen­s dans les épreuves qu’ils traversent.

Edouard Philippe vient vous remettre la Légion d’honneur vendredi, qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Beaucoup. Par l’histoire de ma famille. Pour moi, du côté paternel comme maternel, la France nous a tout donné. Que ce soit Edouard Philippe qui vienne me la remettre, c’est tout naturel, c’est lui qui m’a proposé au Président. J’en ai remis des dizaines avec mes responsabi­lités gouverneme­ntales et chaque fois, je ressentais ce moment particulie­r d’émotion aux gens que je décorais. Et qu’Édouard Philippe vienne me remettre la Légion d’honneur, libéré de ses obligation­s nationales, est un signe fort pour moi. Vous me parliez de la primaire, on a fait la primaire dans le même camp (Juppé, Ndlr). Qu’il vienne me touche énormément. Vous savez à mes yeux, Edouard Philippe a la stature d’un homme d’État. Il jouera certaineme­nt un rôle demain, je le souhaite pour notre pays.

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