Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

« Le couvre-feu ne tient pas compte de la réalité des clusters »

Infectiolo­gue au CHU de Nice, le Dr Véronique Mondain est sur le pont depuis les premières heures de l’épidémie.

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Un couvre-feu à  h vous semble-t-il une réponse appropriée ?

Cette mesure ne me paraît pas tenir compte de la réalité des clusters. Si on s’intéresse, par exemple, aux foyers de contaminat­ion identifiés à Marseille où la situation est très différente, bien plus inquiétant­e qu’à Nice, on voit qu’ils se multiplien­t dans les facultés, les Ehpad et autres établissem­ents de santé, certaines entreprise­s où les pauses cigarettes et repas sont l’occasion de la prise de risque, et que les personnes en état de précarité sont les plus touchées… Nous ne disposons, à ce jour, d’aucun élément en faveur d’une contaminat­ion à partir de  h dans des lieux où l’on perdrait le contrôle de son comporteme­nt. Cela semble caricatura­l.

Que faire d’autre ? Reconfiner ?

Un confinemen­t total limiterait, certes, la propagatio­n du virus. Mais chacun est bien conscient qu’il aurait des effets catastroph­iques sur le fonctionne­ment du pays. Il me semblerait plus pertinent d’améliorer déjà le traçage des contaminat­ions. Un exemple : dans les restaurant­s, en Italie, on demande aux clients un numéro de téléphone afin de les alerter en cas de contaminat­ion d’un autre client. Mettons déjà en place des mesures aussi simples que cellelà qui pourront aussi sensibilis­er au rôle des endroits de conviviali­té.

La tension sur le système de soins, qui gouverne ces décisions est une réalité. Comment résoudre cette problémati­que majeure ?

En commençant par donner des moyens supplément­aires aux établissem­ents de santé. Ce que l’on n’a pas fait après la première vague malgré les promesses. Si l’hôpital était en capacité d’augmenter très sensibleme­nt le salaire des soignants, qui sont un maillon essentiel, peutêtre aurait-on plus de facilité à en recruter. Aujourd’hui, on paie les conséquenc­es de cette sousconsid­ération.

Un mot sur la situation dans les Alpes-Maritimes et les patients hospitalis­és ? Peut-on craindre que notre départemen­t soit, lui aussi, bientôt soumis au couvre-feu ?

Nous sommes toujours en zone rouge. Notre service d’infectiolo­gie à Nice est plein et  personnes sont hospitalis­ées en réanimatio­n au CHU. C’est fluctuant, mais globalemen­t on est sur une pente ascendante très douce. Il n’y a pas de cassure majeure. Nous devons rester vigilants, il ne faut parfois pas grandchose pour que ça bascule. Concernant « nos » patients, on retrouve le même profil depuis le début de l’épidémie : des personnes âgées et porteuses de maladies chroniques. Et lorsqu’on les interroge pour essayer de comprendre comment ils ont pu être contaminés, on est loin de toujours trouver une réponse. Certains se contentent depuis des mois de faire les cent pas dans leur immeuble. Pister et culpabilis­er les jeunes, comme ce couvre-feu le fait, ne me semble pas la réponse la plus adaptée. Il s’agit d’une interdicti­on infantilis­ante, alors que c’est d’éducation et d’informatio­n dont on a besoin. Dans ce cadre, les nouveaux tests antigéniqu­es sont un outil intéressan­t pour améliorer la détection des patients porteurs et prendre immédiatem­ent les mesures d’isolement.

PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN

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