Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Aux assises, un mort, des chèques et du sang

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Paul Cuevas, un terrassier de 48 ans de Gilette, a de la présence et de la gouaille. Il nie depuis quatre ans toute implicatio­n dans la disparitio­n et le meurtre de Patrice Ferrari, son ami. Ancien gérant d’une société d’équarrissa­ge, invalide depuis une grave chute, la victime s’est volatilisé­e le soir du 23 décembre 2015. Son cadavre a été découvert dans un talus à Malaussène, dans la vallée du Var, entre la route 6 202 et la voie ferrée. Si les multiples demandes de remise en liberté formulées par l’accusé ont été rejetées au long de l’instructio­n, c’est en raison de la présence d’indices graves : notamment des chèques volés à la victime et son sang retrouvé dans un Renault Espace emprunté par Paul Cuevas.

Dans un bar de Saint-Laurent-du-Var

En 2014, ils sont nombreux à avoir rendu service à Paul Cuevas, un type « sympathiqu­e », « blagueur », « avenant » qui fréquentai­t comme eux un bar de Saint-Laurent-duVar. «LeCorse» ou « Paulo », comme ils le surnommaie­nt, leur demandait régulièrem­ent d’encaisser des chèques émis par un inconnu, Patrice Ferrari, et récupérait les sommes en liquide. Certains, honteux de se retrouver bien malgré eux mêlés à une affaire criminelle, admettent du bout des lèvres devant la cour d’assises avoir touché « une petite commission » pour service rendu. Paul Cuevas insinue que parmi ces copains de bar, certains en voulaient à Ferrari. La plupart ne connaissai­ent pas la victime, ignoraient qu’elle avait fini par déposer plainte pour vols de chèques et escroqueri­e. « Paul disait qu’il ne pouvait encaisser des chèques de son client, Patrice Ferrari, chez qui il prétendait avoir effectué des travaux. Paul racontait soit qu’il était en conflit avec son ex, soit qu’il avait des pensions alimentair­es en retard, soit qu’il avait un compte joint », racontent tour à tour les témoins. « C’était un vrai mytho », dénonce un maçon qui le côtoyait. « Il mentait tout le temps », ajoute une de ses nombreuses conquêtes. Pour mettre en confiance ses interlocut­eurs, Cuevas remettait parfois des attestatio­ns signées de Patrice Ferrari. Tout en admettant qu’il les remplissai­t lui-même ! D’autres parasites rôdaient autour de Patrice Ferrari, à l’instar de ses deux conseiller­s en patrimoine. Leurs conseils « avisés », d’achat d’appartemen­ts à La Réunion vaudront à la victime 80 000 euros de redresseme­nt fiscal. Malgré une certaine aisance financière, Patrice Ferrari s’était retrouvé inscrit au fichier des interdits bancaires.

Du sang dans le coffre d’un Espace

Les neurologue­s qui l’avaient opéré au cerveau après son accident avaient suggéré une mesure de curatelle pour le protéger. Ils avaient vu juste. Ferrari était une proie facile, vulnérable. Christelle, 38 ans, mère de trois enfants, n’a vécu que cinq mois avec Paul Cuevas mais elle en sort visiblemen­t fragilisée : « Encore aujourd’hui, je suis perdue. Je n’ai plus confiance en personne. Je suis dégoûtée d’avoir été une bonne poire. » Mise en examen, elle a bénéficié d’un non-lieu. Les gendarmes ont cru qu’elle était complice. Un chèque de la victime n’avait-il pas été déposé sur son compte le 23 décembre 2015 ? « Paul Cuevas m’avait dit que sa mère venait de vendre un bout de terrain. Il a lui même été à la banque déposer le chèque », se justifie le témoin. « Vous aviez l’habitude de lui prêter votre véhicule ? », s’enquiert la présidente Catherine Bonnici. « Oui pour les courses ou pour qu’il aille chercher sa fille. » Le jour de la disparitio­n, «le23décemb­re à 19 h 30, il m’a dit qu’il allait dépanner Éric, un copain. » Cuevas emprunte le Renault Espace de Christelle, revient vers 21 heures, « trempé » croit se souvenir son excompagne. La présidente observe que d’après les bulletins météo, il n’avait pas plus ce soir-là. Cuevas repart laver la voiture dans la nuit. « Il est arrivé à 9 h 30. J’étais en colère. On était en retard. Mon père nous attendait dans le Var. Dans la voiture, il manquait les tapis de sol. Il m’a dit qu’il les avait oubliés à la station de lavage. » Des mois plus tard, les experts de l’investigat­ion criminelle retrouvero­nt du sang de la victime dans le véhicule. « Quatre taches localisées dans la partie droite du coffre et sur le hayon », précise le lieutenant, coordonnat­eur des recherches scientifiq­ues. « Aucune trace de la victime ailleurs dans le véhicule », insiste-t-il. Aujourd’hui, la Cour et les jurés attendent que Paul Cuevas s’explique sur ces indices qui font de lui le suspect numéro un.

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