Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Coup de chaud sur les armes après l’attentat
Des journaux italiens ont jeté en pâture son nom et des photos. Ils ont « confondu » l’un des fondateurs de l’association LGBT tunisienne avec un individu entendu dans l’enquête sur l’attentat
« C’était mardi vers 20 heures, j’étais tranquillement installé dans mon canapé et j’ai reçu des messages d’amis qui me disaient d’aller voir sur Internet des articles de journaux italiens », soupire Ahmed B. A, 24 ans, installé sur ce même canapé, hier en milieu d’après-midi. Le ciel lui tombe sur la tête... Le jeune homme découvre alors qu’il porte le même nom que l’un des individus interpellés à Grasse samedi dans le cadre de l’enquête sur l’attentat de la basilique NotreDame à Nice. Un autre Ahmed B. A, ressortissant tunisien âgé de 29 ans, qui a fait une partie du voyage clandestin avec l’assaillant de Nice, Brahim A., de la Tunisie jusqu’en France en passant par l’Italie. Ce dernier entendu pendant plus de quatre jours a ensuite été libéré, sans poursuite, mais envoyé au centre de rétention administrative.
« Ils relient mon histoire à celle de Brahim A »
Ahmed B. A. qui habite à Nice, se rend compte, surtout, que des journaux italiens – orientés extrême droite – ont récupéré des photos de lui sur ses réseaux sociaux. Et qu’ils racontent son histoire. Une histoire toute particulière et médiatisée dans le monde entier. Ahmed B. A., aujourd’hui étudiant en droit à Nice, est le cofondateur de Shams, l’association de défense des minorités sexuelles en Tunisie. Le jeune homme, en danger dans son pays a, depuis 2017, obtenu le statut de réfugié en France. « Quand j’ai vu que c’est mon histoire qu’ils racontaient pour la lier à celle du terroriste, j’ai fait une crise d’angoisse. Ils mettent mon nom en entier. Un journal dit que je suis son complice. Un autre journal écrit que je suis le petit copain de Brahim A. Le soir même, je me suis précipité au commissariat central à Nice, mais je n’ai pas pu déposer plainte car ce sont des journaux italiens ». Depuis, il reçoit par dizaines des insultes mais aussi des menaces. « J’ai envoyé plein de mails aux rédactions de ces journaux, personne
ne m’a répondu », souffle le jeune homme, paniqué et effondré. « Qu’on puisse me relier de près ou de loin avec le terrorisme me choque et ça me touche particulièrement, moi qui me suis toujours battu toute ma vie pour la paix et la tolérance ». Et puis en tant qu’activiste gay tunisien, il craint que cela fasse du mal à la cause des minorités sexuelles dans les pays du Maghreb : « Je ne veux pas que l’on puisse se servir de cette méprise pour refuser l’asile politique à des personnes LGBT qui seraient en danger de mort dans leur pays ». Ahmed, né à Mahdia en Tunisie rappelle : « Là-bas, on peut être condamné à 3 ans de prison parce que l’on est homosexuel. Ils font encore des tests anaux pour vérifier si on l’est ou pas. Les homos sont menacés, maltraités ». Les membres de l’association Shams militent activement pour l’abrogation de l’article 20 du Code pénal qui punit les relations homosexuelles.
« Qu’ils reconnaissent leur erreur »
Depuis que son histoire a été jetée en pâture et reliée à l’attaque de la basilique Notre-Dame par des journaux italiens orientés, Ahmed essaie de se faire violence et sort encore de son appartement de Nice est. Mais « je me sens en danger », avoue-t-il. Il espère que toute cette affaire se tassera « et que les médias italiens en question reconnaitront leur erreur et supprimeront leurs articles avec mes photos ». Si ce n’est pas le cas, le jeune étudiant en droit portera plainte pour diffamation et dénonciation calomnieuse.