Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Le rapport qui crée la polémique

La Chambre régionale des comptes a disséqué la gestion de la collectivi­té dans un rapport, évoqué hier en conseil. Certains postes, certaines embauches ont interpellé les sages…

- Dossier : STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Après la publicatio­n, fin septembre, d’un rapport sur le Centre de gestion des Alpes-maritimes dans lequel la chambre régionale des comptes (CRC) se montrait particuliè­rement rude et épinglait, notamment, deux élus niçois proches de Christian Estrosi, voilà les sages qui rendent public un nouveau rapport, cette fois sur la gestion de la Métropole Nicecôte d’azur. Rapport présenté hier en conseil métropolit­ain. Présenté et âprement commenté par l’opposition qui n’en fait pas la même lecture que Philippe Pradal.

Le monsieur Finances, lui, a fait part « de son plaisir à le présenter» car « il valide, dans l’essentiel, la qualité de la gestion et du projet métropolit­ain ».

La Chambre relève, par exemple, que Nice-côte d’azur a été construite « sur un principe de solidarité entre le littoral et les territoire­s du Moyen et du Hautpays ».

La juridictio­n remarque ensuite que « sa gouvernanc­e se caractéris­e par une participat­ion active des maires, qui sont associés à l’ensemble des décisions stratégiqu­es majeures. »

La CRC note encore que la Métropole « mène une politique d’investisse­ment soutenue, certes par le recours à l’emprunt, comme ce fut le cas pour la réalisatio­n des lignes  et  du tramway. » Enfin, sur la politique du logement social, la juridictio­n financière détaille que, malgré les efforts réalisés ( % de logements sociaux sur une moyenne annuelle de   logements livrés sur la période -), Nice-côte d’azur « reste confrontée à une situation tendue où la demande est supérieure à l’offre (fin ,   demandes pour   attributio­ns). »

Mais, c’est la gestion des ressources humaines, épinglée au travers de cas particulie­rs, qui a enflammé les débats. Les magistrats mettent le doigt sur «unrecours inappropri­é à des contrats de vacataires » auquel l’intercommu­nalité s’est engagée à mettre fin.

À ce sujet, l’opposant du Rassemblem­ent national, Philippe Vardon, a saisi le procureur de la République dès hier matin. La Métropole, elle, dépose plainte pour « violation du secret profession­nel » et « diffamatio­n publique » contre Médiapart pour avoir exploité le rapport avant sa publicatio­n officielle. Pour Christian Estrosi qui cherche à savoir qui l’a fait fuiter, « l’intention de nuire est flagrante ».

Un poste vraiment utile ?

Le premier des contrats qui a fait grimacer la juridictio­n financière concerne Jean-michel Drevet, expréfet des Alpes-maritimes (mai 2011-juillet 2012). Il connaît bien Christian Estrosi pour avoir été, notamment, son directeur de cabinet à Bercy, alors qu’il était ministre de l’industrie. En août 2014, le maire de Nice le fait revenir à ses côtés en tant que directeur général des services pour la métropole. Poste que l’ex-préfet occupera jusqu’en octobre 2017. Date à laquelle, il fait valoir ses droits à la retraite. Mais seulement sur le papier. Drevet obtient, dans la foulée, selon la chambre, un contrat de « conseiller en recherche et développem­ent vacataire », chargé de la « relation avec les acteurs économique­s locaux, régionaux, nationaux et internatio­naux. »

Et la Chambre s’interroge sur la pertinence d’un tel poste, alors que plusieurs fonctionna­ires sont déjà sur ce créneau. Notamment ceux de la direction générale adjointe chargée de l’attractivi­té économique du territoire. De plus, les sages notent qu’ «aucune précision ne figure au contrat de l’intéressé pour permettre d’assurer qu’il fournit dans ce cadre une tâche précise. » Jean-michel Drevet a perçu entre le 1er novembre 2017 et la fin juin 2019, un salaire brut de 5 413 euros par mois. Pour 72 heures de travail mensuel, selon la CRC.

Quel volume de travail effectué ?

C’est ensuite sur le contrat de Marc Joando que la chambre régionale des comptes s’est attardée. Là encore, comme pour Jean-michel Drevet, pas de temps mort. L’ex-vice-président du tribunal de grande instance de Grasse, retraité de la magistratu­re depuis le 13 novembre 2017 est devenu dès le 1er décembre

« vacataire chargé de l’inspection générale des services ». Un contrat jugé illégal par le préfet des Alpes-maritimes dès mai 2018.

« Cette responsabi­lité, de toute évidence, ne pouvait être confiée à un agent vacataire alors qu’il s’agissait de pourvoir un emploi permanent », écrit le préfet. La Métropole prend acte. Met fin au contrat de Marc Joando… et lui en refait un nouveau illico sous une dénominati­on un peu différente : « expert conseil, chargé de missions ponctuelle­s, d’expertises et de conseils, notamment sur des dossiers avec incidences pénales, au sein de l’inspection générale des services ». Quel était son travail ? Concrèteme­nt et effectivem­ent ? Des enquêtes, des expertises, des audits et du conseil, selon les documents fournis à la CRC. Qui estime, cependant, qu’« aucun des états fournis ne fait le détail des dossiers ou enquêtes sur lesquels il est intervenu ». Les sages tranchent : « Il est donc impossible de s’assurer que celui-ci a accompli une tâche précise, ponctuelle et limitée à l’exécution d’actes déterminés. »

Des modalités de recrutemen­t ?

Enfin, la chambre s’attarde sur un autre collaborat­eur de Christian Estrosi et pas des moindres. Franck Louvrier, homme clé de Nicolas Sarkozy à l’élysée en passant par l’intérieur, est maire de La Baule-escoublac (Loire-atlantique) depuis juin et conseiller régional des Pays de la Loire depuis 2010.

Cette bête de communicat­ion, a été recrutée par Christian Estrosi, lui aussi comme « chargé de mission » en mai 2018. Une embauche justifiée par un « accroissem­ent temporaire d’activité » de la Maison de la Métropole à Paris.

Son job ? « Fournir des éléments de langage, préparer et animer des réunions, rédiger des notes ». Quelques mois plus tard, le Monsieur com’ de Sarkozy devient celui d’estrosi « en charge des relations institutio­nnelles de la maison de la Métropole à Paris ». À temps complet cette fois.

Et si la CRC ne met pas en doute la réalité du travail effectué, c’est sur les modalités de recrutemen­t qu’elle argumente. Elle émet surtout des doutes sur l’utilité de la Maison de la Métropole située près de l’assemblée nationale. 145 m2 pour 500 000 euros annuels correspond­ant à la location des locaux, au salaire de Franck Louvrier et à celui de la directrice du lieu. La chambre observe que « l’activité et l’impact de cette représenta­tion métropolit­aine dans la capitale ne sont que difficilem­ent mesurables. »

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(Photo Éric Ottino) L’hôtel de ville de Nice, siège de la Métropole, hier soir.

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