Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Mathieu Avanzi

- PROPOS RECUEILLIS PAR KARINE MICHEL kmichel@nicematin.fr

.Un livre inscrit dans la continuité des deux atlas précédents (2), un 1,2 kilo – le poids du livre – d’informatio­ns dédiées à ces petits mots dont la langue française est riche. Des cartes, des illustrati­ons, des citations, des anecdotes pour raconter ces mots d’ici et de là qui racontent une certaine Histoire de France, celle des territoire­s.

Comme on dit chez nous

témoigne de la richesse du vocabulair­e régional. Certains mots, expression­s, vous ont-ils particuliè­rement questionné ? Cela m’arrive souvent. L’an dernier, ‘‘bon bout d’an’’ m’a obsédé pendant des semaines ! Jusqu’à ce qu’un ami d’avignon m’explique que cela se disait entre le  et  décembre. J’avais prospecté car j’essaie toujours de comprendre la règle. Moi qui viens de Savoie, j’ai aussi découvert que mes ‘‘godiveaux’’ s’appellent partout ailleurs ‘‘chipolatas’’ ! En faisant des recherches, j’ai lu ‘‘taxiteur’’ pour chauffeur de taxi dans Midi Libre. C’est tellement ancré dans le langage régional que personne à la relecture du journal avant impression, ne l’a relevé apparemmen­t.

Comment expliquer que certaines expression­s se dérégional­isent ?

Il y a en règle générale plusieurs facteurs à cela. Le premier est simple : si le mot s’exporte, c’est qu’il n’a pas d’équivalent dans la langue française et qu’il correspond à un besoin. Prenez ‘‘cagole’’ : en français, aucun mot Ça réhabilite les régions en somme ?

C’est ça, un peu comme lorsque Jean Castex a été nommé Premier ministre : si son accent a fait autant plaisir, c’est parce qu’il montre que l’on sort de ce modèle de français monochrome, monocorde, propre. On rend au français des régions ses lettres de noblesse. Si je prends une métaphore, je dis que l’on défend les accents, les expression­s régionales comme on défend une équipe de foot. Regardez L’OM et son slogan : ‘‘On craint dégun !’’ que l’on retrouve même sur des bières, Emmanuel Macron en personne s’en était emparé. Cela a une forte valeur identitair­e. On assiste à un retourneme­nt de stigmates, on le constate également au niveau social : de plus en plus, on déménage en Province. Aujourd’hui, c’est une fierté de dire que l’on vient de la campagne. La capitale fait de moins en moins rêver et, surtout, on se rend compte que des gens qui ne maîtrisent pas les codes de la haute société, de la haute bourgeoisi­e... ont accès à des positions de pouvoir. Castex, certes, il a fait l’ena, en est l’exemple d’ailleurs. Ce qui était complèteme­nt inenvisage­able il y a dix ans par exemple.

La richesse de la langue n’estelle pas menacée par le langage plus fleuri des jeunes d’aujourd’hui ?

Non, parce que le ‘‘parler jeune’’ cela s’oublie. En prenant de l’âge, on n’emploie plus le même langage. Et la prochaine génération n’utilisera pas le même vocabulair­e jeune. Il y a un renouvelle­ment systématiq­ue. Je fais des études d’ailleurs à ce sujet, chaque génération a son propre langage. Cela existe depuis très longtemps même si l’on ne s’en est rendu compte que très récemment.

Le linguiste que vous êtes peutil clore deux débats : le ou la Covid ? Pain au chocolat ou chocolatin­e ?

(il éclate de rire). Le problème c’est que l’académie française s’est prononcée beaucoup trop tard sur le sujet. Contrairem­ent au Canada où, en, quelques jours seulement, on s’est déterminé pour ‘‘la’’ Covid, en France on a mis deux mois. Aujourd’hui, certains journaux disent ‘‘la’’ mais l’usage majoritair­e est ‘‘le’’. Pour ce qui concerne le deuxième sujet, en ce moment je suis à côté de Bruxelles, et ici on dit une ‘‘couque au chocolat’’. Cela me fait beaucoup rire car souvent en France, le débat est binaire… Alors qu’il y a beaucoup d’autres mots utilisés sur le sujet.

Pour conclure, un mot sur le lexicograp­he Alain Rey, figure du qui a signé la préface de votre ouvrage et nous a

Robert,

quittés fin octobre ?

La dernière fois que j’ai eu de ses nouvelles, un après-midi de juin, il était en train de reprendre son dictionnai­re historique, des piles de feuilles qu’il annotait... C’était le travail d’une vie. Il n’était pas fatigué et disait que c’était ça qui le faisait tenir. Il disait apprendre tous les jours.

Si le mot s’exporte, c’est parce qu’il correspond à un besoin”

1. Il est maître de conférence­s en linguistiq­ue française (spécialité « francophon­ie et variété des Français ») à L’UFR de Langue française, de la faculté des lettres de Sorbonne Université (Paris). Ses travaux portent sur la variation du français dans l’espace (mots régionaux, expression­s locales, variantes de prononciat­ion et accents), et les rapports qu’entretienn­ent les Français régionaux avec les dialectes gallo-romans. Il anime le blog Français de nos régions.

2. Atlas du français de nos des expression­s de nos régions. régions et

Atlas

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 ??  ?? Comme on dit chez nous. Mathieu Avanzi avec la complicité d’alain Rey et Aurore Vincenti. Éditions Le Robert.  pages. . €.
Comme on dit chez nous. Mathieu Avanzi avec la complicité d’alain Rey et Aurore Vincenti. Éditions Le Robert.  pages. . €.

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