Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Une loi d’émancipation pour « renforcer la République »
Le Premier ministre a dévoilé les principales dispositions du projet de loi contre les séparatismes. Services publics, associations cultuelles, école… Il englobe différents volets qui ciblent l’islamisme
Qui trop embrasse mal étreint ? En épousant un large spectre, le projet de loi destiné à lutter contre les séparatismes donne un double sentiment d’exhaustivité et de dilution. Jean Castex et plusieurs de ses ministres en ont fait la présentation chorale hier, 115 ans jour pour jour après la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’état. Cette future loi vise « à combattre les entreprises idéologiques qui s’attaquent à nos valeurs et à protéger ceux qui en sont victimes », a posé le Premier ministre, qui en a vanté «laforce» , tout en la présentant d’abord comme « une loi d’émancipation, visant à garantir le respect des principes républicains et la liberté de culte ». Autrement formulé par Gérald Darmanin, le texte tend à « pacifier les esprits et à redonner force à la République ».
Neutralité religieuse
S’il évite autant que faire se peut de le cibler sémantiquement, c’est bien l’islamisme et ses manifestations radicales que le projet de loi a dans le collimateur. L’un de ses principaux articles étendra l’obligation de neutralité religieuse, déjà imposée aux agents du service public, aux délégations de services publics et aux organismes assurant des missions publiques. Un autre permettra aux préfets d’intervenir en procédure rapide de référé-liberté pour faire respecter les valeurs de la République. Par exemple, a indiqué le ministre de l’intérieur, pour aller à l’encontre de créneaux horaires spécifiquement réservés aux femmes dans des piscines publiques.
« On ne pourra plus s’absenter de son travail pour un motif religieux ou demander à ne pas travailler avec une femme », a encore illustré Gérald Darmanin, dans la même veine.
Les associations sous surveillance
Les associations pourront être dissoutes en cas de communautarisme avéré et elles devront déclarer tout financement étranger. Plus personne ne pourra figurer au conseil d’administration d’un lieu de culte en cas de fichage pour soupçons terroristes. Toute subvention publique sera conditionnée à la signature d’une charte de respect des principes républicains, qui aura valeur de loi et pourra donner lieu à des remboursements. « Pas un euro d’argent public ne doit aller aux ennemis de la République. »
La fin des certificats de virginité
Marlène Schiappa, en charge de la Citoyenneté, a mis en exergue un renforcement de la lutte contre les mariages forcés, dont 200 000 femmes auraient à souffrir en France. La délivrance de certificats de virginité sera interdite. La lutte contre la polygamie sera, elle aussi, renforcée : plus aucun titre de séjour ne sera délivré à un homme dans cette situation. Il pourra également lui être retiré rétroactivement. Une femme, enfin, ne pourra être défavorisée lors d’un héritage au prétexte de sa condition.
Contrôle renforcé sur l’école
Partant du principe que « l’école est bonne pour les enfants », dixit Jean-michel Blanquer, la scolarisation deviendra obligatoire dès trois ans, de manière à lutter contre « l’instruction à domicile qui camoufle des structures clandestines salafistes ». Un régime dérogatoire, qui deviendra toutefois soumis à autorisation et non plus à déclaration, persistera néanmoins pour des situations « conformes aux intérêts de l’enfant » : état de santé ou handicap, pratiques sportives ou artistiques intensives, itinérance de la famille, éloignement géographique d’une école. L’éducation nationale aura, par ailleurs, la possibilité de fermer administrativement une école hors contrat, les profs de ces écoles étant tenus de fournir un casier judiciaire. Les écoles clandestines propageant l’islamisme radical seront automatiquement fermées. « Il était jusqu’à présent plus facile d’ouvrir une école qu’un bar, des règles strictes vont désormais encadrer cela », a résumé le ministre de l’éducation.
Lutte contre la haine sur les réseaux sociaux
Le garde des Sceaux, Éric Dupondmoretti, a, lui, annoncé la création d’un délit de mise en danger de la vie d’autrui par divulgation d’informations concernant sa vie privée, l’interpellation et le jugement immédiats des personnes qui diffusent la haine sur les réseaux sociaux, ou encore le blocage plus rapide des sites illégaux. Autant de mesures, parmi d’autres, qui seront discutées et forcément amendées lors du débat parlementaire, en début d’année prochaine.