Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Estrosi joue l’apaisement avec Monaco
Christian Estrosi, maire de Nice, a tenu, jeudi, à clarifier ses propos « mal perçus » quant à la gestion de la crise sanitaire à notamment concernant les restaurants. Entretien.
Présent au salon Ever jeudi matin, pour signer un accord méditerranéen sur la gestion de la pollution plastique, le maire de Nice a tenu à faire un crochet par la rédaction de Monaco-matin, en amont, pour revenir sur ses déclarations dans Libération, le 6 janvier. « C’est simple, nous sommes frontaliers de l’italie et de Monaco, avec qui j’ai de bonnes relations mais qui n’appliquent pas nos règles sanitaires. Donc, vous avez, à 20 kilomètres de Nice, un État dont les commerces et les restaurants sont ouverts et les gens se disent : “on va aller prendre du bon temps”. » Un propos qui avait froissé une bonne partie de la population monégasque.
La France et Monaco avaient alors deux stratégies distinctes de gestion de la crise sanitaire et Christian Estrosi semblait attribuer la hausse des cas de Covid dans les Alpes-maritimes à l’ouverture des restaurants à Monaco. Ce, quelques jours avant que le prince Albert II ne décide d’en limiter l’accès aux seuls résidents et salariés de la Principauté.
Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-france, en remettait une couche dans la matinale de Franceinfo : « À Nice, ce sont les transferts entre Monaco et Nice qui sont sources de contamination parce qu’à Monaco, les restaurants sont ouverts ». Trop pour le souverain, qui tempérait illico dans nos colonnes. « Ce n’est pas très juste de dire ça. Nous avons eu une hausse des cas avec l’afflux de visiteurs supplémentaires pendant les fêtes de Noël, et nous avons été réactifs en sanctionnant, par exemple, les restaurateurs qui ne respectaient pas les règles. C’est donc un peu facile de la part de nos amis français de dire que Monaco est responsable de la hausse des cas chez eux. »
Jeudi, Christian Estrosi a voulu faire table rase quelques heures avant d’annoncer qu’il claquait la porte du parti Les Républicains – sujet qu’il n’avait pas souhaité aborder depuis Monaco [lire Nice-matin de vendredi]. « Je suis plus attaché au développement de mon territoire et à mes relations avec Monaco en matière de dynamique économique, sociale et d’innovation, qu’à une participation à des débats nationaux de politique française qui sont souvent plus caricaturaux. »
Avez-vous conscience que vos propos ont blessé une partie de la population monégasque et sonné comme une remise en question de la souveraineté de la Principauté dans ses choix ? Tout ça a été mal commenté aussi. On ne peut pas considérer que la gestion d’une crise sanitaire d’une telle ampleur soit si différente en France et à Monaco. Il y a eu une parfaite harmonisation des restrictions sur certaines périodes ; sur d’autres ce n’était pas le cas. En l’occurrence, le virus circulait activement, avec des taux d’incidence au-dessus des normes imposées en France. Alors que nos lits d’hospitalisation et de réanimation étaient proches de la saturation, à Nice comme à l’hôpital Princessegrace, je ne voulais pas m’adresser à Monaco, mais aux Niçois qui ne respectaient pas les règles françaises. En aucun cas je montrais du doigt la Principauté de Monaco, qui a pris ses décisions en responsabilité. Mes leçons étaient données aux Niçois. Je ne ferai jamais de l’ingérence dans la gestion des affaires monégasques ! J’ai trop d’attachement pour la Principauté, où je compte plein d’amis au-delà du Prince souverain lui-même.
Aviez-vous alors des discussions régulières avec votre homologue et maire de Monaco, Georges Marsan, et/ou l’état monégasque ? Nous avions des discussions avec le préfet des Alpesmaritimes et le ministre d’état [le chef du gouvernement princier, ndlr] pour voir comment trouver un accord qui nous permette, avec nos autorités policières, de faire respecter au mieux ces principes.
Le prince Albert II n’a pas trouvé ces raccourcis…
Tout a été repris en raccourci et il l’a bien compris puisque nous nous sommes entretenus le jour même. Je l’ai appelé pour lui dire que je me contentais de rappeler aux Niçois les règles qui leur étaient imposées. Quant à la Principauté de
« très justes »
Monaco, elle est libre d’organiser les choses comme elle l’entend et je le respecte parfaitement.
Ce n’est pas l’avis de Valérie Pécresse manifestement…
Au fond, ce qui m’a fait beaucoup de mal, c’est elle. J’ai exprimé des choses qui étaient des petits sujets sur lesquels je voulais avoir un débat d’ajustement, mais elle a eu des phrases qui se sont mélangées aux miennes et que j’ai dénoncées. Elle n’avait pas à faire d’ingérence dans mes relations avec Monaco en disant que les frontières de Monaco posaient un danger pour notre pays. C’était très déplacé et je lui ai dit que ce n’était pas un sujet entre l’île-de-france et Monaco. Que chacun respecte le rôle des autres. Qu’elle s’occupe de la Seine-saint-denis.
Avez-vous pris la parole sous la pression de vos propres restaurateurs ? Contraints, eux, à la fermeture.
Non, je ne suis jamais sous pression. Nous sommes la métropole où le taux d’incidence est le plus bas de France () alors qu’on était monté à en janvier. Après, il faut comprendre qu’avec l’ouverture de l’aéroport Nice Côte d’azur, qui est aussi un peu l’aéroport de Monaco [actionnaire, ndlr], on est passé, le décembre, de à vols par jour. Avec des visiteurs de pays anglosaxons, de Scandinavie, des Émirats, sans contrôle ! Donc les conséquences étaient pour tout le monde et j’ai reproché au gouvernement français de ne pas mettre les opérations de contrôle nécessaires. Je me suis d’ailleurs demandé où loger tous ces gens qui ont afflué en masse à Noël. Les hôtels étaient fermés et la plupart d’entre eux résidaient chez nous, dans des Airbnb. Il a fallu prendre le taureau par les cornes pour faire baisser ce taux d’incidence alors j’ai pris des arrêtés antiairbnb à l’approche des vacances de février. Ils ont été rejetés par le Conseil d’état mais j’ai négocié un confinement le week-end. Ce qui a marché puisque nous n’avons pas eu de visiteurs pour les vacances de février.
Monaco est un « État-village », quelques heures après vos propos, des photos de l’une de vos filles déjeunant à
Monaco et de votre épouse chez le coiffeur ont été diffusées en masse par SMS et sur les réseaux sociaux. Évidemment, le décalage avec vos propos a été souligné. Laura travaille pour TV Monde. Elle était en tournage pour son travail, mais pas du tout à Monaco pour son loisir. Quant à ma fille Laëtitia, c’est l’épouse d’un chirurgien-orthopédiste à L’IMS, et ils se donnent régulièrement rendez-vous ici. C’est normal.
‘‘ Mes leçons étaient données aux Niçois ”
‘‘ Que Valérie Pécresse s’occupe de la Seinesaint-denis”
Ensuite, vous auriez vous-même été refoulé à la porte du Café de Paris…
C’est une fausse information. Mes seules visites à Monaco, c’était pour avoir des séances de travail avec le ministre d’état. Des réunions qui confirment qu’il y avait zéro problème dans ma relation avec la Principauté de Monaco, d’autant que nous avons de gros dossiers en cours et que durant toute cette période il n’était pas question d’interrompre leur marche en avant.
Vous comprenez que la Principauté se soit démarquée dans sa stratégie au fil des mois ?
Si j’avais eu la même autonomie que la Principauté de Monaco, je ne cache pas que j’aurais sans doute pris les mêmes dispositions sur l’ouverture de certains commerces. Parce qu’elles étaient parfaitement encadrées, avec des protocoles sanitaires que je salue. Mais nous sommes dans un cadre commun, où quand on évoque le taux d’incidence des Alpes-maritimes il y a les statistiques monégasques dedans. Quand je reçois tous les soirs le chiffre des hospitalisations dans les Alpes-maritimes, on y met l’hôpital Princesse-grace (CHPG). En tant que président du conseil de surveillance du CHU de Nice, je me réjouis d’ailleurs qu’on ait pu montrer une synergie d’actions de très grande qualité avec le CHPG, pour optimiser la prise en charge des malades Covid. On s’est autorégulés ensemble. Début avril, Charles Guépratte, le directeur général du CHU, a rencontré Benoîte de Sevelinges, directrice du CHPG, pour établir un protocole et accueillir à Monaco des patients provenant du , avec pour objectif de fluidifier la prise en charge des patients nécessitant des soins de réanimation pour les vagues potentielles à venir. Cette convention démontre qu’au moment le plus tendu il y a eu un travail de mutualisation, tant pour les citoyens monégasques que pour ceux de la Métropole.