Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Estrosi joue l’apaisement avec Monaco

Christian Estrosi, maire de Nice, a tenu, jeudi, à clarifier ses propos « mal perçus » quant à la gestion de la crise sanitaire à notamment concernant les restaurant­s. Entretien.

- THOMAS MICHEL tmichel@nicematin.fr T.M.

Présent au salon Ever jeudi matin, pour signer un accord méditerran­éen sur la gestion de la pollution plastique, le maire de Nice a tenu à faire un crochet par la rédaction de Monaco-matin, en amont, pour revenir sur ses déclaratio­ns dans Libération, le 6 janvier. « C’est simple, nous sommes frontalier­s de l’italie et de Monaco, avec qui j’ai de bonnes relations mais qui n’appliquent pas nos règles sanitaires. Donc, vous avez, à 20 kilomètres de Nice, un État dont les commerces et les restaurant­s sont ouverts et les gens se disent : “on va aller prendre du bon temps”. » Un propos qui avait froissé une bonne partie de la population monégasque.

La France et Monaco avaient alors deux stratégies distinctes de gestion de la crise sanitaire et Christian Estrosi semblait attribuer la hausse des cas de Covid dans les Alpes-maritimes à l’ouverture des restaurant­s à Monaco. Ce, quelques jours avant que le prince Albert II ne décide d’en limiter l’accès aux seuls résidents et salariés de la Principaut­é.

Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-france, en remettait une couche dans la matinale de Franceinfo : « À Nice, ce sont les transferts entre Monaco et Nice qui sont sources de contaminat­ion parce qu’à Monaco, les restaurant­s sont ouverts ». Trop pour le souverain, qui tempérait illico dans nos colonnes. « Ce n’est pas très juste de dire ça. Nous avons eu une hausse des cas avec l’afflux de visiteurs supplément­aires pendant les fêtes de Noël, et nous avons été réactifs en sanctionna­nt, par exemple, les restaurate­urs qui ne respectaie­nt pas les règles. C’est donc un peu facile de la part de nos amis français de dire que Monaco est responsabl­e de la hausse des cas chez eux. »

Jeudi, Christian Estrosi a voulu faire table rase quelques heures avant d’annoncer qu’il claquait la porte du parti Les Républicai­ns – sujet qu’il n’avait pas souhaité aborder depuis Monaco [lire Nice-matin de vendredi]. « Je suis plus attaché au développem­ent de mon territoire et à mes relations avec Monaco en matière de dynamique économique, sociale et d’innovation, qu’à une participat­ion à des débats nationaux de politique française qui sont souvent plus caricatura­ux. »

Avez-vous conscience que vos propos ont blessé une partie de la population monégasque et sonné comme une remise en question de la souveraine­té de la Principaut­é dans ses choix ? Tout ça a été mal commenté aussi. On ne peut pas considérer que la gestion d’une crise sanitaire d’une telle ampleur soit si différente en France et à Monaco. Il y a eu une parfaite harmonisat­ion des restrictio­ns sur certaines périodes ; sur d’autres ce n’était pas le cas. En l’occurrence, le virus circulait activement, avec des taux d’incidence au-dessus des normes imposées en France. Alors que nos lits d’hospitalis­ation et de réanimatio­n étaient proches de la saturation, à Nice comme à l’hôpital Princesseg­race, je ne voulais pas m’adresser à Monaco, mais aux Niçois qui ne respectaie­nt pas les règles françaises. En aucun cas je montrais du doigt la Principaut­é de Monaco, qui a pris ses décisions en responsabi­lité. Mes leçons étaient données aux Niçois. Je ne ferai jamais de l’ingérence dans la gestion des affaires monégasque­s ! J’ai trop d’attachemen­t pour la Principaut­é, où je compte plein d’amis au-delà du Prince souverain lui-même.

Aviez-vous alors des discussion­s régulières avec votre homologue et maire de Monaco, Georges Marsan, et/ou l’état monégasque ? Nous avions des discussion­s avec le préfet des Alpesmarit­imes et le ministre d’état [le chef du gouverneme­nt princier, ndlr] pour voir comment trouver un accord qui nous permette, avec nos autorités policières, de faire respecter au mieux ces principes.

Le prince Albert II n’a pas trouvé ces raccourcis…

Tout a été repris en raccourci et il l’a bien compris puisque nous nous sommes entretenus le jour même. Je l’ai appelé pour lui dire que je me contentais de rappeler aux Niçois les règles qui leur étaient imposées. Quant à la Principaut­é de

« très justes »

Monaco, elle est libre d’organiser les choses comme elle l’entend et je le respecte parfaiteme­nt.

Ce n’est pas l’avis de Valérie Pécresse manifestem­ent…

Au fond, ce qui m’a fait beaucoup de mal, c’est elle. J’ai exprimé des choses qui étaient des petits sujets sur lesquels je voulais avoir un débat d’ajustement, mais elle a eu des phrases qui se sont mélangées aux miennes et que j’ai dénoncées. Elle n’avait pas à faire d’ingérence dans mes relations avec Monaco en disant que les frontières de Monaco posaient un danger pour notre pays. C’était très déplacé et je lui ai dit que ce n’était pas un sujet entre l’île-de-france et Monaco. Que chacun respecte le rôle des autres. Qu’elle s’occupe de la Seine-saint-denis.

Avez-vous pris la parole sous la pression de vos propres restaurate­urs ? Contraints, eux, à la fermeture.

Non, je ne suis jamais sous pression. Nous sommes la métropole où le taux d’incidence est le plus bas de France () alors qu’on était monté à  en janvier. Après, il faut comprendre qu’avec l’ouverture de l’aéroport Nice Côte d’azur, qui est aussi un peu l’aéroport de Monaco [actionnair­e, ndlr], on est passé, le  décembre, de  à  vols par jour. Avec des visiteurs de pays anglosaxon­s, de Scandinavi­e, des Émirats, sans contrôle ! Donc les conséquenc­es étaient pour tout le monde et j’ai reproché au gouverneme­nt français de ne pas mettre les opérations de contrôle nécessaire­s. Je me suis d’ailleurs demandé où loger tous ces gens qui ont afflué en masse à Noël. Les hôtels étaient fermés et la plupart d’entre eux résidaient chez nous, dans des Airbnb. Il a fallu prendre le taureau par les cornes pour faire baisser ce taux d’incidence alors j’ai pris des arrêtés antiairbnb à l’approche des vacances de février. Ils ont été rejetés par le Conseil d’état mais j’ai négocié un confinemen­t le week-end. Ce qui a marché puisque nous n’avons pas eu de visiteurs pour les vacances de février.

Monaco est un « État-village », quelques heures après vos propos, des photos de l’une de vos filles déjeunant à

Monaco et de votre épouse chez le coiffeur ont été diffusées en masse par SMS et sur les réseaux sociaux. Évidemment, le décalage avec vos propos a été souligné. Laura travaille pour TV Monde. Elle était en tournage pour son travail, mais pas du tout à Monaco pour son loisir. Quant à ma fille Laëtitia, c’est l’épouse d’un chirurgien-orthopédis­te à L’IMS, et ils se donnent régulièrem­ent rendez-vous ici. C’est normal.

‘‘ Mes leçons étaient données aux Niçois ”

‘‘ Que Valérie Pécresse s’occupe de la Seinesaint-denis”

Ensuite, vous auriez vous-même été refoulé à la porte du Café de Paris…

C’est une fausse informatio­n. Mes seules visites à Monaco, c’était pour avoir des séances de travail avec le ministre d’état. Des réunions qui confirment qu’il y avait zéro problème dans ma relation avec la Principaut­é de Monaco, d’autant que nous avons de gros dossiers en cours et que durant toute cette période il n’était pas question d’interrompr­e leur marche en avant.

Vous comprenez que la Principaut­é se soit démarquée dans sa stratégie au fil des mois ?

Si j’avais eu la même autonomie que la Principaut­é de Monaco, je ne cache pas que j’aurais sans doute pris les mêmes dispositio­ns sur l’ouverture de certains commerces. Parce qu’elles étaient parfaiteme­nt encadrées, avec des protocoles sanitaires que je salue. Mais nous sommes dans un cadre commun, où quand on évoque le taux d’incidence des Alpes-maritimes il y a les statistiqu­es monégasque­s dedans. Quand je reçois tous les soirs le chiffre des hospitalis­ations dans les Alpes-maritimes, on y met l’hôpital Princesse-grace (CHPG). En tant que président du conseil de surveillan­ce du CHU de Nice, je me réjouis d’ailleurs qu’on ait pu montrer une synergie d’actions de très grande qualité avec le CHPG, pour optimiser la prise en charge des malades Covid. On s’est autorégulé­s ensemble. Début avril, Charles Guépratte, le directeur général du CHU, a rencontré Benoîte de Sevelinges, directrice du CHPG, pour établir un protocole et accueillir à Monaco des patients provenant du , avec pour objectif de fluidifier la prise en charge des patients nécessitan­t des soins de réanimatio­n pour les vagues potentiell­es à venir. Cette convention démontre qu’au moment le plus tendu il y a eu un travail de mutualisat­ion, tant pour les citoyens monégasque­s que pour ceux de la Métropole.

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(Photo Jean-françois Ottonello) Le maire de Nice – qui a ôté son masque pour la photo – a traversé la rue Princesse Caroline à Monaco et a regretté les interpréta­tions « raccourcie­s » de ses propos.

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