Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Franck Esposito : le coaching dans la peau

Médaillé aux Jeux Olympiques de Barcelone en 1992, Franck Esposito est une figure du Cercle des Nageurs d’antibes. L’ancien champion y entraîne aujourd’hui des jeunes talents. Avec passion.

- PROPOS RECUEILLIS PAR VIVIEN SEILLER

Il connaissai­t déjà ce milieu prenant. Celui qui ne vous laisse pas une minute. Où on s’entraîne des heures pour viser la perfection. Ancien nageur de haut niveau, Franck Esposito a goûté à quatre reprises aux Jeux Olympiques. Aujourd’hui âgé de  ans, il guide les espoirs du club d’antibes avec toute son expérience. Pour le podcast Oeil de coach, le natif de Salon-de-provence décrypte sa fonction et ce qu’elle implique. S’il aime ce métier d’entraîneur, Franck Esposito reconnaît que certains aspects lui échappent parfois. La passion (re) prend pourtant le dessus...

Vous avez connu une grande carrière de sportif avant d’être entraîneur. Notamment avec une médaille de bronze à Barcelone en ... Participer aux Jeux, c’est magnifique, j’ai eu la chance d’en faire quatre. C’était un rêve d’enfant qui se réalisait. J’ai laissé ma médaille à mes parents, ils ont fait beaucoup pour moi. Quand je vais chez eux, je la regarde et je la touche.

Ça change un homme ? Sur chaque Jeux Olympiques, un bout de soi reste là-bas. On ne revient jamais vraiment des Jeux. Il faut le vivre pour se rendre compte de ce que c’est.

Vous êtes arrivé dans le milieu des entraîneur­s avec un CV de sportif derrière vous. On peut surfer dessus ?

À partir du moment où j’ai annoncé que je voulais être entraîneur, beaucoup de coachs m’ont dit : “Tu sais, ça ne va pas être facile pour toi. On n’a jamais vu un bon nageur devenir un très bon entraîneur ”. Je ressens toujours une pression supplément­aire. Les gens voient en toi le champion, mais il faut se battre pour devenir un très bon entraîneur. Il y a toujours ce sentiment de devoir prouver quelque chose.

Vous vous remettez en question ?

Tout le temps. Je suis franc avec mes athlètes, même un peu trop parfois. Je peux les encourager quand ça va bien, mais je leur dis aussi quand ça ne va pas. Quand ils sont bêtes, je leur dis. C’est peut-être des fois trop brutal, mais au moins je ne leur mens pas. Mon entraîneur a été très dur avec moi. Quand j’étais con, il me le disait, mais au moins je savais que j’étais con. Ça marchait comme ça et c’était très bien. Il ne me mentait pas, et moi, je ne mens pas à mes nageurs.

Il faut déjà être au clair avec soi-même...

Bien sûr. Quand tu viens au bord du bassin ou dans une salle, il faut être propre. Savoir ce que tu veux et où tu veux aller.

On peut s’inspirer d’autres entraîneur­s ?

On peut, mais le coaching ou le management, ça ne s’apprend pas. On a ça dans le sang. Je pense que tu entraînes avec ton caractère. Quand on est en compétitio­n internatio­nale, j’aime bien m’asseoir dans les tribunes et regarder un entraîneur que j’apprécie. Je regarde, je m’inspire, je discute. Je crois qu’on peut apprendre de tout le monde.

Il y a un entraîneur que vous surnommez « Dieu »...

Oh oui, Jacques (Monclar, ancien entraîneur de l’olympique d’antibes). Je suis fan ! Quand je nageais à Antibes, on allait aux matchs de basket mais je ne voyais pas les matchs, je le regardais. Je pense que je lui ressemble beaucoup dans ma manière de coacher. Je peux être très calme, mais je peux aussi vite m’emporter. Jacques était pareil, c’était un vrai spectacle.

A certains moments, il n’était pas entraîneur de basket mais plus homme de théâtre. J’aime les personnage­s, les gens qui font passer une émotion. Les gens qui sont trop lisses, ça ne m’intéresse pas. J’aime quelqu’un qui peut être calme et exploser. J’aime quand ça bout, parce qu’il y a la passion qui emporte la chose. Mais ça bout l’espace de deux heures de match.

Le coach que vous êtes pourraitil entraîner le nageur que vous étiez ?

Oui, sans problème. Je sais que je suis exigeant, parfois un peu trop. Mais mes entraîneur­s étaient comme ça. Par contre, on se prendrait tous les jours la tête lui et moi. Enfin, moi et moi (sourire).

Le coaching ou le management, ça ne s’apprend pas. On a ça dans le sang. ”

‘‘ Je suis fou, je le sais. ”

Il faut apprendre à gérer les conflits...

On est parfois obligé de rentrer en conflit avec les nageurs. Que ce soit pour eux ou pour moi, la passion l’emporte. Je m’excuse souvent, je peux reconnaîtr­e quand j’ai été idiot. J’aspire à ce qu’ils le fassent aussi. On est à fond, on a tellement envie que les choses fonctionne­nt...

La fonction est prenante.

Les proches doivent le comprendre ou c’est à vous de vous adapter ?

C’est moi qui dois être meilleur. Je n’y arrive pas toujours, mais il faut. J’aurais aimé passer plus de temps avec mon fils ou ma fille. On a une vie particuliè­re, un amour qui est différent. Un jour, mon fils m’a fait une réflexion quand il avait sept ans : “Jesuis un peu embêté. Quand j’ai besoin de te voir, j’allume la télé et je te vois nager ”. Quand tu rentres de compétitio­n après un mois et qu’on te dit ça, ça fait drôle... On n’a pas la vie de Monsieur Tout-le-monde.

Ce métier peut rendre fou ? Complet. Moi je suis fou, je le sais. Avec l’âge, des fois je me dis : “Arrête, tu deviens con. Relativise un peu ! ” Mais on se dit ça, et le lendemain on replonge (sourire). C’est compliqué.

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