Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Questions à

« C’est un métier difficile »

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Il vient saluer ses équipes. « Bonjour patron », répond chacun de ses collègues, à chaque fois qu’il passe la tête par l’entrebâill­ement des portes des bureaux du commissari­at de Cagnes-sur-mer. Ici, le patron c’est lui depuis . La carrière de Vincent Leblond a commencé en  dans le cadre de son service national, puis en tant que gardien de la paix. « Gardien avec un grand G », aime à dire ce natif d’orléans qui a intégré les rangs de la police de proximité dans les années

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 et qui a décroché, dans la foulée, le concours d’officier. Direction, ensuite, la brigade des stups à Créteil (Val-de-marne), puis la brigade de nuit dans le e

arrondisse­ment de Paris avant de rejoindre la BAC de Paris. Un homme de terrain qui a décidé de passer le concours de commissair­e en 

« pour faire bénéficier de mon expérience, pour encadrer des équipes. Je me sentais prêt pour un nouveau départ ». Une nouvelle ère s’ouvre, une fois de plus, pour lui. Vincent Leblond est sur le départ pour rejoindre la direction départemen­tale de la police nationale à Nice . Il sera remplacé par Audrey Basquin. La nouvelle commissair­e doit prendre ses fonctions le er juillet. Entretien, quelques jours avant la mort d’eric Masson, brigadier, tué, mercredi, lors d’une interventi­on sur un point de deal à Avignon.

Quel regard portez-vous sur votre métier ? Ses évolutions ?

Avant d’être commissair­e, je suis policier. Et policier, c’est un métier difficile. Physiqueme­nt, nous sommes des cibles, nous le voyons trop souvent avec les attentats. Le risque terroriste est constant mais ce n’est pas nouveau : Action directe à la fin des années , le Groupe islamique armé dans les années , etc. C’est un risque que l’on prend en compte au quotidien. Nous restons vigilants, nous faisons attention.

Ce qui a changé avec la crise sanitaire ?

Nous avons su mettre en place des nouveaux outils pour garder le lien [lire ci-contre]. La période actuelle est assez anxiogène. Pour nous, fonctionna­ires. Et pour toute la population qui, dans son ensemble, a su s’adapter. Dans cette crise sanitaire, nous sommes souvent critiqués, mis sous les projecteur­s, mais nous avons beaucoup de soutien.

La majeure partie de la société aime sa police. La population, sur l’ensemble du départemen­t est satisfaite, nous remercie. Et, nous avons des contacts privilégié­s avec la sous-préfète, la procureure, les élus. Nous avons des discussion­s sincères. Nous sommes tous des garants du service public.

Vous dites

« mis sous les projecteur­s »,

notamment avec la question des violences policières ? Je réfute ce terme. Il n’y a pas de violences policières, mais des violences illégitime­s. Pour les personnes que l’on doit interpelle­r, l’acte de contrainte est légitimé par les règlements. Il peut y avoir des policiers qui font un usage illégitime de la force, et ils doivent être sanctionné­s.

Je ne le nie pas. Il peut y en avoir, à la marge – il faut savoir qu’il y a, en France, une interventi­on police secours toutes les dix secondes – et tout débordemen­t doit être poursuivi. Avec la force de frappe des réseaux sociaux, il y a aussi, quelquefoi­s, des images parcellair­es, hors contexte.

Quand un drame touche votre corporatio­n : quelle gestion en interne ?

Sur l’attaque à Rambouille­t, par exemple, nous en avons parlé entre nous. Régulièrem­ent, on se dit : “Estce que les prochains, ce sera nous ?” Moi, je me dois de protéger un maximum chaque fonctionna­ire, alors, on passe des consignes strictes, notamment sur les dispositif­s de sécurité. Il n’y a pas un mois qui passe sans que l’on se réunisse pour une minute de silence. C’est important de rendre hommage à nos collègues, pour la mémoire, pour le deuil collectif.

Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a sollicité des écoles de mode afin de dessiner le futur uniforme de la police nationale dans le but « de lui donner une apparence plus moderne ». Aujourd’hui, certains parlent de

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« militarisa­tion » en évoquant les tenues...

Je ne partage pas ce sentiment de « militarisa­tion ». Il y a  ans, après le double meurtre de policiers au Plessis-trévise [Val-de-marne, NDLR], je suis descendu, pour la première fois, dans la rue. Nous réclamions des gilets pare-balles pour notre protection. Effectivem­ent, aujourd’hui, notre équipement est plus conséquent, nous sommes dotés d’armes pour graduer notre réponse. Nous sommes aussi équipés, depuis les attentats de , d’une trousse de secours individuel­le. Aujourd’hui, nous sommes tous capables de s’occuper de personnes blessées pour des premiers soins d’urgence. La société évolue et notre apparence aussi.

Pour des policiers qui patrouille­nt dans des quartiers difficiles, c’est normal de prévoir des protection­s. La police n’a jamais eu vocation à faire peur à la population.

En revanche, nous sommes là pour insécurise­r et faire peur aux délinquant­s...

‘‘ Iln’yapas de violences policières”

Votre plus grande fierté ?

La reconnaiss­ance de mes effectifs.

1. Dispositif supprimé en 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur. 2.C’estlecas,notamment,demathieuz­agrodzki,chercheur en science politique, spécialist­e des questions de sécurité. «Ducôtédesp­oliciers,lesargumen­tssontpure­ment ergonomiqu­es : avoir plus de confort sur le terrain (...) Du côté du public cependant, il y a l’impression que la police se militarise. L’ancien uniforme pouvait être considéré commeringa­rdaveclesg­randescasq­uettes,lesblouson­s moches, mais il donnait l’image d’une force civile. L’image actuelle est plus celle d’une police d’interventi­on, suréquipée en matériel, et qui arbore un style qui, il y a 20 ans, était destiné au RAID ou à la BRI », a développé le coauteur de Vis ma vie de flic auprès de nos confrères de Society.

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Une interventi­on lors d’une rixe, mardi, devant le collège des Bréguières à Cagnes-sur-mer.
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« Régulièrem­ent, on se dit : “Est-ce que les prochains, ce sera nous ?”»

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