Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
À Revest, les « Thénardier » de la cause animale
Un couple est jugé à Nice pour avoir lancé des cagnottes en ligne au profit d’animaux fantômes. Des associations et la justice stigmatisent le fonctionnement de son refuge.
Perroquets rares, lama, sangliers, cochons chinois, poneys, chevaux, taureau, chiens, chats... au total près de trois cents animaux. À Revest-lesroche, dans l’estéron, l’arche de Noé de Corinne, 63 ans et Christian Blangis, 67 ans, partait à la dérive, accusent plusieurs défenseurs locaux de la cause animale, notamment le député Loïc Dombreval qui, dès 2017, a alerté les autorités. Malgré de nombreuses mises en demeure de mettre son refuge aux normes, de posséder un certificat de capacité pour avoir le droit de détenir des animaux sauvages, le couple a poursuivi son activité controversée. Le parquet de Nice lui reproche surtout, au terme d’une enquête de la gendarmerie, le délit d’escroquerie. Corinne et Christian Blangis sont poursuivis pour avoir lancé des centaines de cagnottes en ligne au profit d’animaux prétendument en danger. Les appels aux dons pour ces animaux fantômes se sont poursuivis, y compris cette année. Ce qui n’a pas manqué d’irriter la justice qui a alors décidé d’incarcérer le couple le 14 avril dernier pour violation de son contrôle judiciaire.
million d’euros récolté
La manne a été estimée par les enquêteurs à plus de 1 million d’euros récolté en deux ans auprès de généreux donateurs. Seule une infime partie (145 000 euros) aurait été dédiée à l’entretien des animaux. Corinne Blangis, présidente de l’association Artemis Handicap Animal depuis huit ans, conteste avec vigueur : « J’ai fourni près de 700 000 euros de factures à mes avocats. » Elle affirme avoir sauvé des animaux de l’abattoir ou de l’euthanasie. Marion Menot, présidente du tribunal correctionnel, s’étonne de l’achat d’animaux par l’association, s’attarde sur de curieuses dépenses sur le compte d’artémis Handicap Animal : « Location de voitures, bijoux, meubles, programme minceur, coiffeur, restaurants... », énumère la magistrate. Des dépenses très éloignées de la vocation d’artémis « J’ai mis beaucoup d’argent personnel dans mes associations », se défend Corinne Blangis. « Vous aviez des dettes , observe Marion Menot. Et toutes vos dépenses sont opaques…. »
Les agents de l’office national de la biodiversité (ONB), la police de l’environnement pensent que les Blangis souhaitaient se diversifier en se lancant dans l’élevage de perroquets qu’ils détenaient illégalement. La direction de très la protection de la population (DIPP) avait à son tour émis un rapport qui avait conduit à la saisie « de cinq poneys et d’un lama ». Le vétérinaire avait noté « des enclos inappropriés », « des conditions d’hébergement misérables », « un état de santé inquiétant avec des problèmes parasitaires ». Les mises en demeure sont restées lettres mortes. Et le parquet de Nice n’a pas retenu le délit de mauvais traitements à animaux au désespoir de l’association ASA 06 qui a pris l’initiative de citer directement le couple en correctionnelle pour ce délit. ASA 06 a demandé à plusieurs anciens bénévoles ou salariés de venir témoigner du manque cruel de moyens au refuge de Revest. Tous décrivent une situation apocalyptique.
Si des animaux ont été placés par la justice (des perroquets ont notamment été confiés au parc Phoenix de Nice), le couple posséderait encore 70 animaux sur le site de Revest. Les associations de la protection animale, parties civiles, demandent à toute force à la justice de pouvoir les récupérer. Elles espèrent surtout qu’à l’issue de ce procès qui se prolongera aujourd’hui, le couple Blangis sera interdit de détenir des animaux.