Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
La policière espionnée et brutalisée par son compagnon
La policière niçoise, qui avait souvent secouru des femmes battues, s’est retrouvée piégée par son compagnon qui espionnait son téléphone. Et l’a violentée après leur séparation.
Rachid est chauffeur de VTC, Laure (1), policière. Ils ont un enfant en commun. Leur relation a été marquée par la jalousie maladive de Rachid, 51 ans, qui avait placé un logiciel espion dans le téléphone de sa compagne pour mieux la surveiller.
La meilleure amie de la victime, sous emprise, confirme aux enquêteurs qu’il l’avait coupée de ses proches. En cinq ans, les deux amies n’ont pu se voir qu’à cinq reprises et une seule fois hors de sa présence. Le harcèlement téléphonique était quotidien au point que le couple a fini par se séparer. Une énième dispute au moment où le père venait chercher l’enfant avec un échange de gifles a failli tourner au drame le 20 avril. Laure s’est retrouvée avec une corde autour du cou dans sa salle de bain ! Elle a perdu connaissance. «Je n’étais plus moi-même, j’ai vrillé », concède l’ex-compagnon jugé en correctionnelle, un ancien videur de discothèque totalement inconnu à ce jour de la justice.
« Avez-vous pu être violent moralement avec Madame ? », interroge le procureur Thibault Rossignol. Le prévenu reste muet à la barre. Le magistrat insiste.
« C’est compliqué de le dire. » « C’est soit oui soit non. »,
s’impatiente le magistrat.
« Je suis en traitement pour essayer de comprendre. » « Êtes-vous jaloux ? » « Oui »,
concède Rachid qui conteste le harcèlement tout en admettant les violences ce jour d’avril.
Une femme qui dépérissait
Sur le banc de la partie civile, Laure écoute sans un mot. Elle, qui est venue tant de fois au secours de femmes battues, s’est retrouvée à son tour piégée. Un expert qui a examiné Rachid estime que « son vécu “abandonnique”, sa jalousie peuvent atténuer sa responsabilité ». L’avocat de la partie civile rappelle comment « Laure a dû s’isoler pour avoir la paix », « comment cette femme si joviale est devenue triste, renfermée ». « Une relation pathologique », souligne le procureur Rossignol qui fustige « les pertes de mémoire bien confortables » , de Rachid : « Harceler vient du verbe "herseler", le travail du paysan qui vise à briser la terre comme on casse une victime, avec un comportement répété, quotidien ». Tout en prenant en compte l’avis de l’expert psychiatrique, le magistrat du parquet requiert deux ans de prison dont huit mois ferme et un sursis probatoire de trois ans.
« Pour briser la logique d’emprise », le procureur demande également le retrait de l’autorité parentale. Un sujet sensible qui provoque une vive réaction de Me Paul Sollacaro, : « Pour lui, ce serait pire que la prison. Incarcérez-le mais ne lui retirez pas l’autorité parentale », s’indigne l’avocat de la défense. Me Sollacaro rappelle qu’il y a « deux types de personnes devant ce tribunal : certains ont fait un choix de vie et il y a ceux qui ont dérapé ». L’avocat ironise en estimant que « ce dossier n’a pas été suffisamment "herseler" » .Autrement dit, « l’enquête n’a pas été suffisamment poussée pour démontrer le harcèlement ».
Le tribunal présidé par Alain Chemama a condamné le compagnon violent à deux ans de prison dont un avec un sursis probatoire. Au juge d’application d’aménager la peine sachant que Rachid devra se soigner, indemniser sa victime et n’avoir aucun contact avec elle. En revanche, il garde son autorité parentale. 1. Le prénom a été modifié.