Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Sylvain, Cannes : « Ce n’était plus acceptable »
Il laisse de côté le suprême de volaille, le risotto et le tataki de thon pour les canalisations, les robinets et les clés à bonde. Après 15 années dans la gastronomie, dont cinq en tant que second de cuisine à L’ecrin Plage, sur la Croisette à Cannes, Sylvain Nemoz échange le tablier pour le bleu de travail. À 37 ans, il veut devenir plombier. Rembobinons : 16 mars 2020, les restaurants français sont dans l’obligation de fermer leurs portes. Arrêt brutal. Au chômage partiel, Sylvain se retrouve « bloqué à la maison avec [ses] deux filles. » L’isolement remplace le vacarme des salles bondées et l’effervescence des cuisines. Et si une autre vie était possible ? Les rôles s’inversent : le père de famille qui n’avait jamais le temps de s’occuper de ses petites se retrouve à jouer et à faire les devoirs, pendant que sa femme travaille au supermarché.
« On sait ce qu’on quitte mais pas ce qu’on retrouve »
Avec une pointe de regret dans la voix, il raconte : « J’étais tellement pris par mon job, je ne les voyais pas grandir. Pas de week-end, pas de vacances… Il y a même eu des Noël où, à peine les cadeaux ouverts, je partais pour aller préparer le service… Je me suis rendu compte que ce n’était plus acceptable. » Les priorités se remettent en place et, alors qu’il menait lui-même des travaux dans son appartement, Sylvain a l’idée de la plomberie. «Je me suis dit que ça pourrait être le métier parfait pour concilier ma vie de famille et mon besoin de travailler, d’être au service des autres. »
C’est en septembre 2020, après la saison estivale sous Covid-19 que le cuisinier quitte son emploi, non sans une petite appréhension : «Onsait ce qu’on quitte, mais pas ce qu’on retrouve derrière. » Plus motivé que jamais, il démarche des entreprises pour faire des stages de découverte et s’inscrit à l’agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) pour candidater à une formation de dix semaines. «Si tout va bien, je serai diplômé en août 2022 », espère-t-il. En attendant, cet infatigable optimiste apprend par coeur le vocabulaire et les normes autour de son futur métier, s’entraîne devant son miroir pour les entretiens d’embauche à venir… Et se projette : « J’aimerais commencer en entreprise pour avoir le temps de découvrir tous les aspects du métier et, à terme, pourquoi pas me mettre à mon compte ? Je sais que je n’ai pas choisi le métier le plus facile : on est souvent à genoux, dans la saleté… Mais après la restauration, je m’en sens capable. C’est une nouvelle aventure qui commence ! »