Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

« On utilise les huiles essentiell­es depuis  ans. Si c’était dangereux, cela se serait vu »

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Lavandicul­teur, Alain Aubanel est le président de l’union des profession­nels des plantes à parfum, aromatique­s et médicinale­s, le principal syndicat de la filière.

Quel est le contenu de ce projet de la Commission européenne ? Ce projet part d’un bon sentiment. Beaucoup de gens sont malades, c’est dû à ce qu’ils respirent, avalent et se mettent sur la peau. Mais avec l’europe, il faut toujours se méfier. Ce que nous avançons ce n’est pas du fantasme, ni des fake news comme le disent certains. Quand les textes sont présentés, il est difficile de revenir en arrière. Nous savons que depuis plusieurs mois, des réunions ont lieu, des groupes de travail planchent sur ce sujet. Et ce qui nous inquiète, c’est qu’il va devenir quasiment impossible d’utiliser des produits naturels dans la compositio­n des produits finis. Bien sûr, ils ne vont pas interdire d’utiliser la lavande, le thym, le romarin, etc.

Ils vont interdire ou réglemente­r très sévèrement les molécules qui composent les huiles essentiell­es, c’est-à-dire au même niveau que les perturbate­urs endocrinie­ns et les CMR (cancérigèn­es, mutagènes, reprotoxiq­ues).

Pouvez-vous préciser ?

Toute la réglementa­tion s’appuie sur les molécules. Mais il y a molécule et molécule. Dans une huile essentiell­e de lavande, il y a  molécules. Par simplifica­tion, ils ne vont pas tester les huiles essentiell­es, mais fonctionne­r par extrapolat­ion de ce qu’ils connaissen­t des molécules chimiques. Par exemple, le linalool est une molécule qu’on retrouve dans toutes les huiles essentiell­es et parfums de synthèse.

Il s’oxyde très facilement et devient allergène.

À la différence du linalool naturel, qui est présent dans la plante et ne s’oxyde pas.

La Commission européenne ne fait pas la différence.

Qu’est-ce que cela vous inspire ?

On utilise les huiles essentiell­es depuis  ans. Si c’était dangereux, cela se serait vu. D’ailleurs, où sont les morts par usage d’huile essentiell­e ? Oui, il peut y avoir des allergies, mais une allergie, ça donne des boutons. Ils confondent le danger et le risque.

Qu’entendez-vous par « ils », le lobby de l’industrie chimique ? Pas forcément. Il y a de plus en plus d’huiles essentiell­es qui entrent dans les compositio­ns des barils de lessive, des shampooing­s et des savons. Le souci ce sont plutôt les gens des ministères qui veulent, par principe de précaution, éliminer le risque.

Quel serait l’impact pour la région ?

Si les huiles essentiell­es se retrouvent sur une liste noire, plus personne ne voudra les utiliser. Outre la vente directe, nos clients ce sont surtout la pharmacie, les cosmétique­s. Le drame, si la situation n’évolue pas, c’est qu’ils ne pourront plus utiliser les produits naturels mais les produits de synthèse, qui s’en sortent toujours beaucoup mieux au niveau de la réglementa­tion.

Vous avez lancé une pétition, comment se porte-t-elle ?

Elle prend bien et évolue tous les jours. Ça ne va pas s’arrêter de sitôt. Je travaille dans une distilleri­e, on sent les gens très inquiets. Les consommate­urs sont aussi en colère que nous, ils veulent pouvoir continuer à utiliser des produits naturels. Je rappelle en outre que la filière est leader sur l’agricultur­e biologique,  % des PPAM sont en AB. Nous avons fait d’énormes efforts sur le stockage et le bilan carbone, et nous avons réduit de plus de  % l’usage des pesticides. Au niveau de la biodiversi­té, les apiculteur­s mettent les ruches dans nos champs, chaque agriculteu­r fait vivre plein d’autres personnes derrière. À lui seul, le secteur lavande et lavandin génère   emplois directs et   indirects issus de la production de miel et du tourisme. On estime qu’un euro à la production génère deux euros pour l’apiculture, dix euros pour la transforma­tion, cent euros pour le tourisme.

À quelle date ce projet pourrait devenir réalité ?

Le texte devrait être présenté début  pour une applicatio­n en .

Qu’espérez-vous ?

On espère amender le texte. On n’est pas contre la protection du consommate­ur, mais on a besoin d’une réglementa­tion intelligen­te. Et nos collègues espagnols, italiens, bulgares vont monter au créneau aussi.

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