Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Le poison polonais
Une fois encore l’union européenne (UE) doit donc affronter une crise. Sans doute la plus explosive depuis le Brexit. En affirmant, le octobre, la primauté du droit constitutionnel polonais sur le droit européen, le tribunal constitutionnel de Varsovie a lancé une grenade dégoupillée dans L’UE. A juste titre, Bruxelles a aussitôt tonné puisqu’il s’agit, ni plus ni moins, de permettre au gouvernement polonais d’adopter des réformes judiciaires qui piétineront l’état de droit, principe pourtant fondamental de L’UE. En outre, cette décision viole une autre règle établie par deux arrêts de la Cour de justice européenne (CJE) en et : le droit européen s’impose aux droits nationaux. Nul ne peut dire jusqu’où ira l’affaire mais, comme l’a déclaré Clément Beaune, le secrétaire d’etat français aux Affaires européennes : « Cette décision soulève le risque d’une sortie de la Pologne de L’UE. » Un Polxit en quelque sorte.
Cette crise ouverte ne sera pas sans conséquence sur la présidentielle française. Elle peut d’abord pourrir le semestre de présidence du Conseil de L’UE par la France à partir du er janvier. Emmanuel Macron a, là, l’occasion d’essayer, à nouveau, d’affirmer son leadership au sein de L’UE et d’imposer ses propositions. Bref, de quoi alimenter son bagage électoral. Pourra-t-il le faire avec cette mine polonaise sur son chemin ?
Ce sera d’autant moins facile que la Pologne enflamme le débat français sur la souveraineté nationale. Varsovie donne du bois de chauffe à tous les anti-européens. Eric Zemmour en tête, qui fait du nationalisme son principal cheval de bataille, et Marine Le Pen, bien sûr. Ils ont d’ailleurs apporté leur soutien à la Pologne. Mais aussi Arnaud Montebourg qui déclarait ce dimanche : « Le fait qu’un Etat membre de l’union européenne veuille réaffirmer la suprématie de sa loi nationale me paraît être le chemin que la France doit emprunter. » Plus surprenant, Michel Barnier, europhile s’il en est, affirmait, début septembre, avant même la décision polonaise, qu’il nous fallait « retrouver notre souveraineté juridique, en permanence menacée d’un arrêt ou d’une condamnation de la Cour de justice européenne... »
Ce débat, à vrai dire, mérite d’être mené. Dès le printemps, il avait été ouvert par la Cour de Karlsruhe en Allemagne à propos du plan de relance de L’UE. Il a été réactivé par un arrêt du juillet de la CJE imposant le droit social européen – notamment sur la durée du travail – dans les armées nationales. Rappelons qu’en France, un militaire doit être disponible « en tout temps et en tous lieux ». Pour autant, il faut souhaiter qu’il soit conduit sans démagogie. Le Brexit et maintenant le risque de Polxit montrent que L’UE est un édifice fragile qui garantit la paix mais peut très vite se défaire.
« L’union européenne est un édifice fragile qui garantit la paix mais peut très vite se défaire. »