Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

L’ermite du rocher raconté par ses amis et disciples

Frère Antoine, célèbre ermite de Roquebrune-sur-argens, est décédé le 22 octobre à 98 ans. Ses proches évoquent son héritage spirituel, et un parcours hors-norme.

- GRÉGORY PARIGI gparigi@nicematin.fr

Il a passé sa dernière année à Dieulefit, dans la Drôme, où il avait été recueilli par des amis. Auparavant, il avait vécu durant un demi-siècle dans un dénuement souhaité, dans une grotte de 7 m2 sans eau courante ni électricit­é… si seul et pourtant si proche du monde dont il s’était retiré. Dans le Var, frère Antoine (Louis Chauvel, selon l’état civil) était une légende. Sa réputation le précédait. Combien de génération­s d’enfants ont entendu leurs parents dire, en passant devant le rocher de Roquebrune­sur-argens sur l’autoroute : « Il paraît qu’un ermite vit ici » ?

Mais ce « yéti » n’avait rien d’un homme des cavernes. Au contraire, il était non seulement accueillan­t, mais faisait également autorité dans le domaine de la spirituali­té.

Durant les cinq décennies qu’il passa dans son lieu de retraite de l’est-var, il accueillit des milliers de personnes qui se questionna­ient ou cherchaien­t un sens à leur vie. « Ma rencontre avec lui était placée sous le signe de la Providence », raconte Martine Le Cam, amie personnell­e et biographe de l’ancien moine cistercien originaire de Mayenne, qui avait fini par quitter son monastère de Marseille vers l’âge de 40 ans pour vivre seul sa retraite dans sa grotte varoise.

« Le monde est venu à lui »

« Quand j’étais adolescent­e, j’étais très intriguée par la rumeur de l’existence d’un ermite sur le rocher, poursuitel­le. Plus tard, dans les années 2000, j’ai appris qu’il était de retour. Il était déjà médiatisé à l’époque. J’ai enfilé mes chaussures de randonnée et je suis partie à sa rencontre. La grotte se trouvait sur un terrain privé, elle n’était pas si difficile à trouver. J’avais vécu plusieurs années en Inde, tout comme lui. Sur le plan spirituel, nous étions sur la même longueur d’onde. Tout ce qu’il entreprena­it dans sa vie devait avoir une portée pédagogiqu­e. Pendant une année, j’ai passé du temps avec lui et recueilli ses anecdotes. Il était dans une tradition d’accueil. Paradoxale­ment, c’est quand il a décidé de se retirer du monde que le monde est venu à lui. »

« Je l’ai rencontré en 1980, alors que j’avais 24 ans, se souvient Philippe Puaut, un ami roquebruno­is de frère Antoine. Quand je l’ai vu, j’ai tout de suite été étonné. Dans mon esprit, un ermite avait forcément des cheveux longs et sales et une grande barbe. Mais ce n’était pas son cas. Il était bien peigné et tout vêtu de blanc [la couleur des moines cistercien­s, Ndlr]. Il avait beaucoup d’humour et de joie de vivre. J’ai tout de suite ressenti sa profondeur spirituell­e. »

Sur le plan de la pensée, frère Antoine a évolué tout au long de sa vie. Démarré dans un monastère, son chemin spirituel l’a conduit jusqu’en Inde, où un mécène l’envoya dans les années 1970. Si le titre de « frère » lui collait à la peau, on ne pouvait plus définir la foi de ce fils d’une famille de 11 enfants comme catholique. «Il s’est intéressé à toutes les religions, qu’il s’agisse du christiani­sme, du judaïsme, du taoïsme, du bouddhisme ou de l’hindouisme, résume Martine Le Cam. Il était hors des dogmes et des institutio­ns. Sa philosophi­e était celle de l’amour universel. Chaque nuit, il se réveillait pour méditer de minuit à 1h30.»

Un adepte de l’amour universel

« Il voyait toujours le bon côté de chaque chose, ajoute Philippe Puaut. C’était tout le contraire de la plupart d’entre nous, qui vivons en société et qui avons souvent tendance à voir le mauvais côté des choses. J’avais lu ses écrits et écouté ses chansons. Il était inspirant. J’allais le voir plusieurs fois par semaine, on mangeait ensemble. Il se nourrissai­t de ce qu’il trouvait dans la nature. Il cuisinait par exemple de très bonnes soupes d’orties. Chez lui, on pouvait rencontrer aussi bien un clochard qu’un préfet ».

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Frère Antoine a vécu plus de  ans dans sa grotte.

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