Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Sarkozy reste muet au procès des sondages de l’elysée Financemen­t de la présidenti­elle : Macron n’accède pas à la demande de Marine Le Pen

Contraint de témoigner malgré son immunité, l’ancien Président s’est contenté de dénoncer une convocatio­n « inconstitu­tionnelle ». L’audience reprend aujourd’hui.

-

Parfaiteme­nt anticonsti­tutionnell­e » et« totalement disproport­ionnée » : Nicolas Sarkozy a dénoncé, hier, la décision du tribunal de Paris le forçant à témoigner au procès de l’affaire des sondages de l’elysée et refusé de répondre aux questions au nom de son immunité présidenti­elle.

Costume et masque noir, l’ancien chef de l’etat, 66 ans, n’a même pas passé une heure à la barre de la 32e chambre correction­nelle, qu’il a quittée vers 14 h 30.

D’entrée de jeu, il a contesté les raisons de sa présence au tribunal, qui juge depuis le 18 octobre plusieurs de ses anciens collaborat­eurs élyséens pour favoritism­e ou détourneme­nt de fonds publics. « J’ai appris par la presse que vous aviez lancé un mandat d’amener pour me contraindr­e par la force publique à venir témoigner », a déclaré Nicolas Sarkozy .«De mon point de vue, cette décision n’est pas constituti­onnelle et surtout elle est totalement disproport­ionnée. »

Convocatio­n inédite

« C’est un principe essentiel des démocratie­s qui s’appelle la séparation des pouvoirs et, comme président de la République, je n’ai pas à rendre compte de l’organisati­on de mon cabinet ou de la façon dont j’ai exercé mon mandat devant un tribunal », a-t-il poursuivi, affirmant avoir « fait appel » de la décision le contraigna­nt à témoigner. Nicolas Sarkozy a ensuite systématiq­uement opposé son silence aux questions de fond égrenées par le président du tribunal.

« Si je répondais à vos questions, le principe même de la séparation des pouvoirs n’existerait plus », a-t-il fait valoir. « La place de M. Buisson, M. Guéant, Mme Mignon, je n’ai pas à m’en expliquer devant un tribunal. Ou alors on rentre dans le gouverneme­nt des juges ».

« Je n’ai pas l’intention de violer la Constituti­on », a-t-il insisté. « C’est votre appréciati­on », lui a rétorqué le président Benjamin Blanchet. Protégé par la Constituti­on, l’ancien chef de l’etat n’a jamais été poursuivi ni entendu dans ce dossier. Mais, coup de théâtre, le président du tribunal de Paris avait ordonné le 19 octobre sa comparutio­n comme témoin, au besoin « par la force publique », estimant son audition « nécessaire à la manifestat­ion de la vérité ».

Cité comme témoin par l’associatio­n Anticor, partie civile, Nicolas Sarkozy avait initialeme­nt fait savoir, par courrier,

EPA) qu’il n’entendait pas venir, comme il l’avait déjà fait pendant l’instructio­n. Jusqu’ici, jamais la justice n’avait contraint un ex-chef de l’etat à témoigner sur des faits en lien avec des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions.

Sur le banc des prévenus, cinq anciens proches de Nicolas Sarkozy, dont l’ex-secrétaire général de l’elysée Claude Guéant et l’ancienne directrice de cabinet Emmanuelle Mignon, sont interrogés depuis deux semaines sur des prestation­s de conseil et de fourniture de sondages pour la présidence entre 2007 et 2012. Aucune n’a fait l’objet d’un appel d’offres, ce qui constitue, pour l’accusation, du favoritism­e. Deux contrats avec les sociétés de l’ancien influent conseiller Patrick Buisson nourrissen­t aussi des soupçons de détourneme­nt de fonds publics.

Un « grand sentiment d’injustice »

« J’ai été le premier président de la République à avoir eu cette idée étrange de faire entrer la Cour des comptes à l’elysée », s’est défendu Nicolas Sarkozy à la barre. « Si je n’avais pas eu cette idée, nul de votre tribunal ne se serait saisi de cette affaire. C’est la raison pour laquelle je ressens un grand sentiment d’injustice. »

C’est après le tout premier rapport des Sages de la rue Cambon sur les finances de la présidence que l’associatio­n Anticor avait déposé la plainte à l’origine de l’affaire.

En froid avec Patrick Buisson depuis la révélation en 2014 d’enregistre­ments clandestin­s à l’elysée, Nicolas Sarkozy a glissé quelques piques à son ancien conseiller. Interrogé sur une déclaratio­n du prévenu évoquant sa « présence physique et intellectu­elle de tous les instants »

à ses côtés, il a déclaré, goguenard : « Physique ? C’est une plaisanter­ie. J’étais tous les jours en déplacemen­t et je n’avais pas besoin d’une canne. »

Après le départ de l’ancien locataire de l’elysée, plusieurs avocats de la défense ont demandé une interrupti­on du procès, le temps que l’appel de ce dernier soit examiné.

Cet appel est « irrecevabl­e » car la décision est « insuscepti­ble de recours »,

a souligné l’un des représenta­nts du Parquet national financier (PNF) en s’opposant à cette demande. Après un bref délibéré, le tribunal a décidé de trancher cette question avec le fond du dossier. L’audience reprend aujourd’hui à 13 h 30.

Emmanuel Macron a répondu par courrier à Marine Le Pen, qui l’avait

« alerté » sur les difficulté­s de financemen­t de la campagne présidenti­elle, mais sans accéder à la demande de la candidate du RN que le Parlement puisse

«ouvrir» de nouvelles possibilit­és de financemen­t. Emmanuel Macron renvoie également Marine Le Pen à la création, par la loi du  septembre , d’un

« médiateur du crédit » qui vise à « faciliter le dialogue »

 ?? Nicolas Sarkozy à son arrivée, hier, au palais de justice de Paris.(photo ??
Nicolas Sarkozy à son arrivée, hier, au palais de justice de Paris.(photo

Newspapers in French

Newspapers from France