Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Alpinistes disparus au Népal : la quête de « moments incroyable­s en cordée »

Passionnés de montagne, Thomas Arfi, Louis Pachoud et Gabriel Miloche, les trois Français ensevelis par une avalanche, aimaient à se « confronter à l’inconnu ».

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Entre haute technicité et quête d’absolu, la formation à l’alpinisme suivie par le Niçois Thomas Arfi (34 ans), le Savoyard Louis Pachoud (27 ans) et le Hautsavoya­rd Gabriel Miloche (27 ans) – les trois jeunes Français disparus depuis le 26 octobre après une avalanche au Népal – propose une pratique avant tout amateur de la montagne, dans l’esprit des « pionniers ».

Le Groupe excellence alpinisme national (GEAN), créé en 1991 par la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM), constitue tous les deux ans un petit groupe mixte de jeunes triés sur le volet pour les former aux techniques de l’alpinisme, à la haute montagne et à l’organisati­on d’expédition­s.

Recherches suspendues pour trois ou quatre jours

C’est cette promotion composée de huit membres qui se trouvait depuis début octobre avec des accompagna­nts sur les pentes du massif de l’everest dans la vallée du Khumbu. Lorsque l’avalanche s’est produite aux derniers jours d’octobre près du sommet du Mingbo Eiger, trois des alpinistes ont été précipités au pied des parois, et leurs chances de survie sont considérée­s comme nulles. Infructueu­ses, les recherches lancées au cours du week-end par des guides népalais ont été suspendues pour trois ou quatre jours, ont annoncé, hier, les secouriste­s sur place. L’expédition au Népal devait valider la fin d’un cursus allongé à trois ans en raison des perturbati­ons liées à la Covid-19. Plutôt que rééditer des exploits déjà accomplis comme l’ascension d’un sommet de 8 000 mètres, le groupe s’était fixé deux objectifs en apparence moins prestigieu­x mais plus techniques : l’ouverture d’une voie sur la face Nord du Cholatse (6 441m), qui a été atteint par une des cordées, et celle d’une « goulotte » (traînée de glace) en face ouest du Mingbo Eiger (6 017 m). C’est là, alors que les trois hommes avaient semble-t-il fait demitour à une centaine de mètres en dessous du sommet, que s’est produit le drame, dans des conditions qui restent encore à éclaircir, explique-t-on à la FFCAM. Les corps se trouveraie­nt désormais « ensevelis sous des mètres de glace et de neige compactées », selon la fédération.

À l’assaut du Cervin et des Grandes-jorasses

Une chose est certaine pour ceux qui les connaissai­ent : les trois hommes étaient des grimpeurs chevronnés. Au cours de leur formation, les huit avaient « pratiqué dans les Alpes toutes les formes d’alpinisme. Ils avaient gravi la face Nord du Cervin en hiver, la face Nord des Grandes-jorasses, des courses vraiment techniques et difficiles », relate Damien Tomasi, guide de haute montagne et formateur à la fois auprès du GEAN et de l’ecole nationale de ski et d’alpinisme (Ensa) à Chamonix. Ces deux formations sont souvent suivies en parallèle par les membres du GEAN mais diffèrent, fait-il remarquer.

La philosophi­e du GEAN est tournée vers une « formation amateur, pour leur pratique personnell­e de ce qui les fait vibrer, qui est l’alpinisme technique : les voyages, la découverte, l’aventure » alors que la formation de guide à l’ensa s’oriente davantage vers la « gestion du risque ».

« Il y a autant de motivation­s qu’il y a d’alpinistes », relève-t-il, citant les

« moments incroyable­s en cordée »,

la soif d’engagement, la joie de se

« confronter à l’inconnu ».

« Il y a, surtout dans les Alpes, une culture de l’alpinisme sportif qui est très ancrée : ça peut être de grimper la montagne par son versant le plus raide, ou le rocher le plus beau »,

explique-t-il dans son chalet à Servoz (Haute-savoie), au pied du mont Blanc.

« L’objectif n’est pas forcément de faire des choses les plus extrêmes possible mais de retrouver l’état d’esprit des pionniers de l’alpinisme, de l’himalayism­e », abonde Nicolas Raynaud, président de la FFCAM, et alpiniste amateur.

Le cursus du GEAN offre une « formation assez spécifique à la France, assez innovante » selon lui. Bien que tous les grands sommets aient été conquis depuis longtemps,

« notre planète a encore des coins absolument vierges où aucun être humain n’est allé. C’est ça la grande aventure de l’alpinisme, de l’exploratio­n marine, sous-marine ou spéléologi­que », souligne-t-il. Selon lui, la récente expédition au Népal « s’inscrivait dans ce cadrelà» et malgré la dimension « forte et symbolique » du drame, « la volonté est bien sûr de continuer ».

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(Doc Mission de secours) La traînée de glace en face Ouest du Mingbo Eiger (  m). La zone d’enseveliss­ement est cerclée de rouge.

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