Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Prison ferme pour des passeurs de migrants

- F. L.

Pakistanai­s, Tunisiens ou Turcs, cinq prévenus comparaiss­aient lundi devant le tribunal correction­nel de Nice pour avoir aidé à l’entrée, à la circulatio­n ou au séjour irrégulier­s d’étrangers.

Dont quatre avaient été placés en détention à l’issue de leur garde à vue.

Cinq Pakistanai­s à bord d’une BMW

Ali Riasat, le premier à comparaîtr­e, est un Pakistanai­s de 24 ans domicilié à Grenoble. Le 5 décembre dernier, il a été arrêté alors qu’il sortait de l’autoroute à Menton, en arrivant de Brescia, en Italie. À bord de la BMW qu’il conduisait : cinq de ses compatriot­es sans aucun titre les autorisant à séjourner sur le territoire français. S’il reconnaît aujourd’hui l’infraction, il avait d’abord prétendu ignorer qu’ils étaient démunis de papiers. Lui-même est dans l’attente de l’examen administra­tif de sa demande d’asile ; la réponse devait tomber dans quelques jours. Il serait en France depuis dix-huit mois, ayant quitté son pays à l’âge de quatorze ans pour transiter par l’iran, la Turquie, la Serbie, la Slovénie et l’italie.

Match de volley

C’est, affirme-t-il, pour assister à un match de volley, sa passion, qu’il a décidé début décembre de cet aller-retour d’un millier de kilomètres en voiture. Sur place, il se serait fait voler son portefeuil­le et son téléphone portable. Interpellé à 3 h du matin, il comptait, parmi ses passagers, un homme connu, semble-t-il, pour être radicalisé. À l’entendre, Ali n’y est pour rien, et bien sûr n’a touché aucun argent, malgré les déclaratio­ns d’un migrant expliquant que son père avait réglé le transport. Le procureur Jean-philippe Navarre requiert huit mois de prison et demande le maintien en détention. L’avocate du prévenu, Me Ramona Salimpour, avance que, «moralement, il ne pouvait pas refuser son aide ». Ajoute que

« l’on n’a pas parlé d’argent ». Et conclut en rappelant ce point au crédit de son client :

« Il n’a pas de casier judiciaire, c’est à prendre en considérat­ion ». Le tribunal le condamne à neuf mois de prison ferme.

« Attitude de déni »

Slim Ben Salem, Franco-tunisien de 38 ans, ex-ambulancie­r en invalidité, est soupçonné d’avoir fait entrer des migrants à plusieurs reprises entre le 1er septembre et le 29 novembre. Il a été interpellé à l’occasion d’un contrôle de police, promenade du Soleil, à Menton, au volant d’une Toyota affichant 332 000 km au compteur, dans laquelle avaient pris place trois étrangers en situation irrégulièr­e. Il y a cette fois un coprévenu en la personne de Ridha Chniti, 35 ans, un Tunisien sans-papiers à qui l’on reproche d’avoir hébergé les trois individus. Débat à l’audience autour des responsabi­lités partagées : le second indique dans un premier temps que Ben Salem aurait fait « cinq ou six voyages » en moins de deux mois. Mais c’est l’interprète algérienne qui aurait mal compris le dialecte de Chniti. Dénégation­s aussi de l’intéressé qui aurait simplement l’habitude d’emmener son épouse au restaurant, en Italie, le week-end…

250 euros par passage

Les appels entre les deux complices supposés laissent penser que les passages étaient rétribués. 250 euros à chaque fois. En réalité, le conducteur aurait été chanceux au PMU. « Une attitude de déni » qui ne convainc pas le procureur, après que le président du tribunal, Alain Chemama, a tout tenté pour faire la lumière sur cette affaire. Jean-philippe Navarre, perplexe : « Dans tous ces dossiers, jamais, jamais, jamais on n’a rien touché. Difficile de se débarrasse­r d’une accusation de trafic d’être humains si, en plus, on trouve de l’argent dans le vide-poche.

Oui, c’est organisé et payé d’avance. » Il requiert 2 ans d’emprisonne­ment à l’encontre de Ben Salem et 18 mois pour Chniti.

« Ce soi-disant réseau, c’est une création fantasmago­rique »

Me Romain Vallier plaide avec succès l’abandon de la circonstan­ce aggravante de bande organisée. Me Marie Orsat, pour Chniti, brosse le portrait d’un homme vivant dans la misère, payé de la main à la main lorsqu’il travaille sur des petits chantiers. « À mon sens, ce soi-disant réseau, c’est une création fantasmago­rique. » Il est condamné à neuf mois. Une peine de 15 mois de prison ferme est prononcée contre Ben Salem.

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