Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Les prix ont-ils augmenté ?
« Oui et non », répond l’insee, alors que bon nombre de citoyens français et européens ont le sentiment d’avoir perdu en pouvoir d’achat depuis le passage à l’euro, voilà 20 ans pile.
En France, en Italie, en Espagne, en Grèce et même en Allemagne, nombreux sont les citoyens européens qui reprochent encore à l’euro d’avoir fait valser les étiquettes dès sa mise en place. A rebours, pourtant, des statistiques officielles. C’était il y a vingt ans, le 1er janvier 2002. En Allemagne, la monnaie unique avait même été surnommée à l’époque le « teuro », un jeu de mots associant euro et « teuer », (« cher » en allemand). Concrètement, les prix ont-ils augmenté en vingt ans, si l’on prend en compte l’inflation et l’augmentation des salaires ?
En France, le café pris au comptoir a par exemple augmenté de façon inhabituellement élevée entre fin 2001 et début 2002, d’après l’institut national de la statistique et des études économiques (Insee), passant en moyenne de 1,19 euro à 1,22 euros en un an, pour se fixer à 1,56 euros en 2021, 19 ans plus tard.
Toutefois, d’autres produits plus chers n’ont pas progressé, voire baissé en 20 ans. L’inflation est donc restée modérée.
Nous avons sélectionné quelques produits phares de la consommation des Français, comparé leur prix de 2002 à celui de 2021. En les ramenant en franc pour faciliter les jeux d’échelles. Alors, qu’est-ce qui a baissé et qu’est-ce qui a augmenté ? Réponses.
■ Sucre, boeuf, pain...
« Entre le passage à l’euro fiduciaire en 2002 et 2020, les prix à la consommation ont augmenté de 1,3 % en moyenne par an », promet l’insee. « C’est nettement inférieur au rythme moyen de l’après-guerre au milieu des années 80 (+10,1% par an en moyenne). »
Une baguette de pain (de 250 grammes) coûtait en moyenne 4,31 francs en 2001, soit 0,66 euros la même année.
Un an plus tard, en 2002, la hausse était limitée, avec une moyenne à 0,68 euros.
En 2016, la même quantité de pain se monnayait à 0,87 euros, puis à 0,89 euros en 2021 (soit in fine 5,84 francs aujourd’hui). L’augmentation totale fut donc de +25 %.
Dans le même ordre d’idée, un kilo de faux-filet de boeuf se négociait à 106,86 francs fin 2001 (16,29 euros), puis 16,59 euros en 2002, 24,12 euros en 2016 et enfin 25,27 euros fin 2021 (soit 165,76 francs). Une augmentation de +56 %. Du côté des produits en baisse, un kilo de sucre en morceaux coûtait 8,59 francs (1,31 euros) en 2001 juste avant le passage à la monnaie unique européenne, 1,35 euros un an plus tard, 1,05 en 2016 puis 1,01 euros en 2021. Certains produits, comme le tabac, ont augmenté en flèche. D’autres ont stagné, voire baissé. Les produits de santé ont diminué et les produits manufacturés dits « durables » ont, eux, stagné (à l’image de l’électroménager). Le total de l’inflation cumulée entre janvier 2002 et janvier 2022 en France étant de +31 %, les produits de consommation courante se retrouvent donc dans la moyenne de ces vingt dernières années.
Pour rappel, le Smic, qui était de 1035,91 euros net en juillet 2002, est désormais de 1269 euros mensuels depuis le 1er janvier 2022 (pour un temps plein de 169 heures de travail effectif). Soit une augmentation cumulée de +25 %. Le pouvoir d’achat des Français a donc bien baissé, mais très légèrement.
■ Le ressenti des ménages largement impacté
Sur les vingt dernières années, « C’est un peu moins qu’au cours des quinze années précédentes (+2,1 % par an entre 1986 et 2001), période au cours de laquelle le contre-choc pétrolier, les baisses de TVA, les politiques de convergence et de stabilité des prix, à la suite du traité de Maastricht, avaient permis d’entrer dans une phase d’inflation modérée, qui dure encore », analyse l’insee.
La conversion en euro des prix en franc a entraîné, au moment du changement, une hausse des prix, « via notamment le basculement vers de nouvelles grilles tarifaires psychologiques en euros ». Mais c’est surtout le ressenti des ménages qui a été impacté par le passage à la monnaie unique.
■ Quid de l’inflation ?
De 2002 à 2020, l’inflation n’a dépassé le seuil de 2,0 % par an qu’à cinq reprises (2003, 2004, 2008 et 2011), avec des causes extérieures bien identifiées, telles que les variations des conditions climatiques, l’environnement géopolitique ou des décisions de santé publique (pour le tabac).
Par ailleurs, elle a quasiment stagné en 2009, 2015 et 2016, avec à chaque fois un effet prépondérant du repli des cours internationaux de matières premières, notamment du pétrole. Le phénomène s’est davantage observé dans les pays où la distribution est moins concentrée, les petits commerçants ayant davantage la liberté d’augmenter leurs prix.
Cette augmentation « mécanique » liée au passage à l’euro, a été de 0,1 % à 0,3 %, a calculé la Commission européenne.
Mais les statistiques générales de l’inflation n’ont pas été affectées, car des produits plus chers n’ont en parallèle pas vu leurs prix augmenter. Ils ont même parfois baissé grâce à la hausse de la productivité.
Pour comprendre les inégalités de perception, la question des « profils » de consommateurs est importante, souligne Pierre Jaillet, chercheur à l’institut européen Jacques-delors et à celui de relations internationales et stratégiques Iris : « Le panier moyen de consommation correspond à un budget moyen d’un cadre moyen vivant dans une ville. Peu de chance que cela corresponde avec la structure budgétaire de la plupart des consommateurs. »