Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Accident mortel : le remords plus lourd que la prison

La moto a dérapé dans un tunnel à Nice et les vies de deux familles se sont brisées. Maxime, 22 ans, étudiant, a été condamné pour l’homicide involontai­re de Glawdys, 24 ans.

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

L’ambiance était à la fête en cette fin d’été. Les étudiants, vendeurs de glaces le temps des vacances, arrosaient la fin de leur job d’été. Comme souvent, Maxime, 20 ans, a proposé à Glawdys, 24 ans, de la ramener chez elle en 125 cm³. 4 h 30 du matin le 31 août 2020. « J’ai attendu 45 minutes », précise le jeune homme, conscient qu’il avait trop bu – trois ou quatre whiskys et un verre de vodka –, oubliant que le taux d’alcool diminue de 0,10 g par heure. « Je me sentais lucide », ajoute-t-il. Sur les enregistre­ments de vidéosurve­illance, le jeune motard semble adopter une conduite plutôt prudente. On le voit s’engouffrer dans le tunnel Liautaud (tunnel du Paillon).

Peu avant la sortie Acropolis, une large nappe d’eau barre la chaussée souterrain­e. La moto dérape. Le pilote et sa passagère sont éjectés. Maxime est blessée à l’épaule. Glawdys gît inconscien­te. Il tente, avec un témoin de l’accident, de ranimer son amie. Glawdys succombe quelques heures plus tard en réanimatio­n. Maxime apprendra le décès en garde à vue. Son alcoolémie affichait 1,49 g par litre de sang.

Relation fusionnell­e

Deux vies, deux familles sont irrémédiab­lement brisées. Au milieu de ce chaos, la justice tente de se frayer un passage en essayant d’être la moins maladroite possible. Maxime a comparu vendredi pour homicide involontai­re devant le tribunal correction­nel. Aux questions du président Édouard Levrault, il répond, tête basse, d’une voix à peine audible. Le garçon de bonne famille se retrouve dans la peau d’un délinquant de la route. Ses amis le décrivent comme un jeune homme « raisonnabl­e, travailleu­r, intelligen­t, respectueu­x ». Deux ans après, il a du mal à admettre qu’il a pris un risque en enfourchan­t sa moto. Sur le banc de la partie civile, Régine, la maman endeuillée, souffre en silence. Me Stéphanie Abier-rougeron se fait sa porte-parole tant sa cliente a du mal à parler : « Elle en veut beaucoup à Monsieur », déclare sobrement l’avocate. Glawdys, si pétillante, si adorable… Cette enfant que Régine a eue très jeune, avec laquelle la relation était fusionnell­e. «Deuxans se sont écoulés et j’espère toujours un message sur mon téléphone », confie une mère désemparée. La procureure Clémence Bravais rappelle que « Monsieur n’a pas su adapter sa conduite à l’approche du virage, sans doute à cause de son taux d’alcool qui modifie les réflexes, le temps de réaction, qui réduit le champ de vision et la lucidité ». La magistrate du parquet requiert un an de prison avec sursis et six mois de détention à effectuer à domicile avec un bracelet électroniq­ue. « Elle était une fille extraordin­aire », souligne Gérard Baudoux qui, en cet instant, s’adresse directemen­t à Régine. « J’imagine cette angoisse qui vous étreint et cet espoir insensé d’un signe de sa présence. Sachez qu’elle est présente dans l’esprit de celui qui est jugé. »

En relisant le rapport du centre de supervisio­n urbain, le pénaliste niçois rappelle comment, en deux secondes, la vie a basculé. 4h47’07 : la moto est sur la voie de droite sans vitesse excessive. 4h47’08, la moto traverse une flaque. 4h47’09 : l’arrière de la moto glisse vers la gauche. « Les derniers moments, c’était Glawdys dans les bras de Maxime pour tenter de lui insuffler la vie qui s’échappa », rappelle l’avocat.

« Il n’oubliera jamais »

Maxime essaie comme il peut de se reconstrui­re. Il espérait intégrer les pompiers de Paris pour sauver autrui. Sa fragilité psychique et physique l’en a empêché. Il a alors effectué un service civique et multiplié les actions de prévention des conduites à risque auprès des jeunes. Quelle peine lui infliger au regard de la souffrance toujours béante et du remords qui l’habite ? « Madame, vous n’oublierez jamais, il n’oubliera jamais », insiste Me Gérard Baudoux, en pesant chaque mot, les yeux dans les yeux. Dans l’attente du procès, Maxime avait adressé un courrier à la mère de Glawdys. L’avocat en lit des extraits : «Je donnerais tout pour qu’elle soit encore en vie. J’espère qu’un jour vous pourrez me pardonner. »

Le tribunal condamne Maxime à deux ans de prison avec sursis. Régine s’approche. Elle lui caresse la joue et essuie ses larmes.

 ?? (Photo d’illustrati­on Cyril Dodergny) ?? Le tunnel Liautaud (tunnel du Paillon) traverse Nice du Sud au Nord.
(Photo d’illustrati­on Cyril Dodergny) Le tunnel Liautaud (tunnel du Paillon) traverse Nice du Sud au Nord.

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