Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
« J’ai eu peur de terminer dans un fait divers »
Harcèlement, menaces... Face au tribunal correctionnel de lundi, une courageuse mère de famille raconte le calvaire que lui a fait vivre son ex-conjoint. Son souhait : « Qu’il se fasse aider ».
Elle s’approche de la barre, face au tribunal, à deux mètres de l’homme qui a partagé sa vie pendant huit ans. Elle se lance. Elle ne s’arrêtera plus. Bien résolue à dénoncer l’enfer que lui fait vivre son ex-compagnon depuis leur séparation.
« J’ai eu peur de terminer dans un fait divers », raconte Sylvie(1), sous les yeux de Paul A., ce lundi à Nice. Tous deux ont été en couple de 2009 à 2017. Ils ont été pacsés, ont eu un fils. Leur séparation s’est très mal passée.
Jugé en correctionnelle, Paul A., 42 ans, répond de harcèlement, menaces et détention d’arme illégale. En septembre 2021, Sylvie, 35 ans, a fini par déposer plainte.
« C’est allé beaucoup trop loin... » Longtemps, trop longtemps, Sylvie a été inondée de messages vocaux et de SMS menaçants. Le président Edouard Levrault en cite un florilège : « T’es morte. » « Je vais te régler ton compte. » « Je vais te descendre au fond du trou. » Paul A. la dénigrait aussi en présence de son fils, en des termes orduriers : « L’autre cochonne », « La poupée gonflable »... D’autres expressions, pires encore, suscitent une réaction de réprobation dans la salle. Un fait rare, et éloquent.
Il cache un fusil à pompe sous le lit de son fils
Outre les mots, il y a les armes. Celle dont Paul A. a envoyé une photo à Sylvie. Et ces armes saisies chez sa mère, ce fusil à pompe chargé, caché sous le matelas du lit de son fils. Certes, Paul A. ne s’en est pas servi. Mais il le reconnaît : cette planque était pour le moins « malencontreuse ».
Alors Sylvie s’avance, sous les yeux du public, pour narrer son calvaire. Elle dénonce « la consommation d’alcool et certains stupéfiants, au coeur de notre séparation. Un coup c’est « Je t’aime », un coup « J’ai la haine contre toi ». »
Dans ce climat ultra tendu, Sylvie tente de « protéger [s]on fils de cette haine, de cette colère. Mais lui le met au milieu. Il se sert de l’enfant pour m’atteindre et se l’approprier. » Sa voix chancelle par moments. Elle se reprend aussitôt. « Heureusement, j’ai un fort caractère. Et je suis maman ! »
Cette mère courage se sentait épiée, à juste titre : elle a trouvé un enregistreur sur sa porte. «Jepense qu’il est mal. Il est instable. Dans ce contexte, tout le monde est en danger ! Je veux juste qu’il se fasse aider. Je suis là pour qu’il l’entende. »
Message entendu. Et ce, depuis la garde à vue, affirme Me Joëlle Guillot pour la défense. «Il s’est retrouvé face à ses propres mots. Ça a été un vrai choc ! Il a réalisé ce qu’il avait dit. Il s’est effondré. »
« Volonté de rabaisser, de blesser, de faire mal »
La procureure Clémence Bravais dénonce « une volonté de rabaisser, de blesser, de faire du mal. » Dans le box, Paul A. bat sa coulpe : «Je reconnais, j’ai eu tort. Je ne réalisais pas que les paroles pouvaient avoir un tel impact. »
Sa dérive coïncide avec la perte de son emploi au CHU de Nice, par refus d’être vacciné. Il l’est depuis. Mais il ne pourra pas reprendre son travail tout de suite. Le tribunal le condamne à 18 mois de prison, dont dix ferme, et le maintient en détention. 1. Son prénom a été modifié afin de préserver son anonymat.