Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Assises du Var :«Jene voulais pas qu’elle parte »
Marie-anne Colangelo est jugée pour avoir séquestré pendant plusieurs années son ex-belle-fille à Saint-raphaël.
Engoncée dans son tee-shirt jaune canari malgré un physique de moineau, le visage caché par de grosses lunettes et un masque chirurgical, Marieanne Colangelo déploie son mètre cinquante sans impressionner quiconque au sein de la cour d’assises du Var.
Mais pendant des années, au sein du domicile familial de Saint-raphaël, la sexagénaire a fait régner l’ordre et la terreur auprès de ses fils et de son ex-belle-fille. Bien malgré elle, à en croire ses premières déclarations à la cour. « Oui, j’ai mis en place un système de dominance. J’étais devenue robotisée. Je ne savais plus où j’étais, comment faire... »
Tourbillons de mensonges
Le président Patrick Véron n’a pas eu à forcer son talent pour faire admettre le crime de séquestration à l’accusée. « Céline(1) ne voulait pas partir, mais je ne voulais pas qu’elle parte. » Pour autant, Marieanne Colangelo ne parvient pas à expliquer comment elle en est arrivée à garder sous sa coupe la jeune femme.
« Ce n’était pas prémédité, assuret-elle en refaisant le fil de l’histoire. R. et elle ne voulaient pas d’enfant. Moi, au départ, je voulais juste protéger un bébé de l’abandon. » En mentant sciemment aux autorités pour en obtenir son adoption puis en interdisant sa mère biologique de lui adresser la parole…
Au fil du temps, Céline est devenue invisible. Au point que son fils, âgé de 10 ans en 2019 au moment de la fuite de sa mère, ne la mentionne même pas aux policiers qui le questionnent sur la composition de la famille. Avant de lâcher un cinglant : « Je l’aime pas, Céline ». Conditionné dès son plus jeune âge, et comme les autres, à ne pas faire attention à celle qui vit « assise dans le noir dans le couloir ». Prenant son père pour son frère, sa grand-mère pour sa mère, le compagnon de celle-ci pour son grandpère… « Une fiction absurde » qui n’avait pas d’autre but que de garder tout ce petit monde autour d’elle. Quitte à créer un « tourbillon de mensonges » que l’accusé ellemême déplore. « Je voulais le protéger », répète-t-elle… Le garder auprès d’elle surtout.
Prétendus handicaps et prestations indues
Ainsi, dans l’entourage de Marieanne Colangelo, tout le monde devait être atteint d’une maladie, d’un handicap. Une autre façon de garder le contrôle. L’enfant de Céline était ainsi victime d’une fausse « maladie incurable », privé de vision pendant « pendant cinq mois » ou intolérant au gluten.
De purs mensonges. Comme les prétendus handicaps dont tous ses fils étaient atteints, mais qui ont permis de recevoir indûment des prestations auprès de la MDPH(2). Les trois fils de Marieange Colangelo entendus hier ont tous décrit une « ambiance lourde » dans la villa. « Un jour, elle a menacé avec un couteau de m’étriper si je sortais », raconte l’un d’eux.
« Elle gérait tout, même une fois adultes mes frères et moi, poursuit un autre. Les finances, les horaires pour aller se coucher… Il ne fallait pas la contredire, sinon gare ! »
« Il y avait tellement de tension que je m’isolais dans ma chambre et mes jeux vidéo, confie le troisième.
Personne n’osait aller à l’encontre de ma mère. »
« Maman était immonde avec elle »
Pris en étau entre leurs rôles de geôliers et la pitié que leur inspirait Céline – « maman était immonde avec elle, j’en pleurais dans ma chambre » –, les fils de Marie-ange Colangelo se cachaient pour apporter à la jeune fille un peu de nourriture ou lui ouvrir la salle de bains pour qu’elle puisse au moins se laver les dents. « Mais quand ma mère a installé des caméras, c’est devenu encore plus tendu, plus oppressant. »
« J’ai perdu le contrôle, tente d’analyser Marie-ange Colangelo. J’avais une colère en moi, comme un démon. Je n’arrivais pas à m’arrêter. Je pense que tout cela vient de ma peur de la mort, de l’abandon. » Au point de déshumaniser sa victime. Et de rendre le mal, banal.
1. Le prénom a été changé.
2. Maison départementale des personnes handicapées.