Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
La justice monégasque valide le changement de sexe
Dans un jugement rendu le 4 juillet, le tribunal de grande instance de Monaco a autorisé que l’acte de naissance d’une personne franco-monégasque soit modifié en ce sens. Une première.
C’est une première sur le sol monégasque. Lundi 4 juillet, le tribunal de première instance de Monaco a prononcé « avec toutes ses conséquences » le changement de sexe d’une personne franco-monégasque et a ordonné que son acte de naissance « soit rectifié en ce sens et que la mention sexe féminin soit remplacée par la mention sexe masculin ».
« Ce dossier est un dossier de principe car c’est la première fois que cela intervient à Monaco », décrypte Me Patrice Spinosi, célèbre avocat au Conseil d’état et à la Cour de cassation, qui a plaidé cette affaire aux côtés de son confrère monégasque Me Thomas Giacardi.
Jurisprudence européenne
L’idée pour les avocats du requérant était d’engager une action en s’inspirant de la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH) qui a construit progressivement une jurisprudence protectrice en faveur de la reconnaissance du genre et du droit pour chacun d’établir officiellement sa réelle identité de genre.
« Sauf qu’il n’existait aucun texte en ce sens à Monaco, poursuit Me Spinosi. Nous avons donc engagé un contentieux pour convaincre le juge qu’il n’a pas besoin de loi particulière pour ordonner un changement de sexe dès lors que les motifs sont justes et avérés. Et c’est ce qui a été retenu par le tribunal. »
Il poursuit : « C’est évidemment une grande victoire pour mon client qui se voit reconnaître son droit d’être un homme, mais aussi pour toutes les personnes qui sont dans le même cas et la même démarche .» Dans ce dossier, en l’absence de dispositions législatives spécifiques à Monaco sur la rectification d’état civil en raison d’un syndrome transsexuel, la justice monégasque a d’abord posé comme principe de base l’article 77-11 du Code civil monégasque sur « l’immutabilité du prénom qui ne peut être modifié que pour de justes motifs ». Et elle s’est donc interrogée si une demande de rectification pour cause de transsexualisme était considérée comme un motif juste.
Une conviction dès le plus jeune âge
Les juges ont examiné deux éléments qui les ont convaincus pour statuer sur le changement de prénom et de sexe sur l’acte de naissance du requérant. Le premier élément, c’est le fait que le requérant a fait en personne la démonstration d’avoir la conviction d’appartenir dès son plus jeune âge au sexe opposé et qu’il avait bénéficié d’un accompagnement thérapeutique et suivi, de manière libre et éclairée, une transformation physique irréversible.
D’autre part, la justice monégasque a reconnu que la discordance entre son identité
« une situation ambivalente susceptible de générer des difficultés de tous ordres » reconnaît dans son jugement le tribunal de Monaco.
de genre et son identité de naissance était encore accentuée par le fait que la rectification de son prénom avait déjà été actée en France et retranscrite sur son acte de naissance monégasque.
Un recours du parquet ?
« Au regard du côté assez conservateur de l’état monégasque, on aurait pu s’attendre à quelques réserves, reconnaît Me Spinosi. Mais la jurisprudence de la CEDH est claire et les juges de Monaco
ont été convaincus, même en l’absence de texte. C’est incontestablement une grande avancée pour le droit monégasque. Maintenant faut-il encore que cette décision ne fasse pas l’objet d’un recours par le parquet de Monaco. Ce qui reviendrait à une opposition de l’état monégasque au changement de sexe et de prénom de mon client. Je ne suis pas certain que ce soit là le choix du parquet car juridiquement c’est solide. »