Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Assises du Var : plusieurs bellesfill­es sous emprise de l’accusée

- V. W.

Ne rien voir, ne rien dire, ne rien entendre. Dans la légende asiatique des singes de la sagesse, celui qui suit cette maxime ne connaîtra que le bien. Pourtant, parmi ceux qui ont pu côtoyer Marie-anne Colangelo entre 2004 et 2019, certains savaient mais n’ont rien dit. D’autres se doutaient sans voir. Et puis quelquesun­es, entendues hier à la barre de la cour d’assises du Var, ont vu, entendu et beaucoup vécu. Tous, aujourd’hui, sont ébranlés de «ne pas avoir su réagir » aux conditions de vie imposées à Céline (1), séquestrée durant plusieurs années dans la villa de Saint-raphaël (lire nos éditions précédente­s).

« Pour cette dame, tout était sombre »

« On vivait comme dans une secte, décrit Laurie, une ancienne épouse de l’un des fils de l’accusée. C’est difficile à comprendre de l’extérieur, mais même avec mon fort caractère, j’étais sous son emprise. Ce n’est pas venu d’un coup, c’était insidieux. Au début, elle était agréable. Au final, elle gérait tout, nous privait de tout. Et nous, on croyait que c’était ça, la vie… » L’ambiance « morbide » qui régnait dans la villa raphaëlois­e n’était pourtant pas passée inaperçue. « Tout tournait autour de la maladie, de la mort », se souvient une infirmière, intervenan­t régulièrem­ent auprès de la famille Colangelo. Au contact un temps de Céline, elle avait vu l’état de santé de la jeune femme se dégrader. « Elle avait mauvaise mine, il lui manquait des dents. C’était malsain. Et puis, un jour, je ne l’ai plus vue. Je me demandais ce qu’elle devenait. Marie-anne Colangelo m’a dit qu’elle était partie. Je regrette de n’avoir rien fait, rien dit… » À l’école où était scolarisé l’enfant de Céline, les enseignant­s aussi avaient remarqué « quelque chose d’anormal» . « Notre combat, c’était surtout l’absentéism­e du petit, détaille la directrice. Nous étions sur nos gardes quand on voyait Marie-anne Colangelo, car elle prenait le moindre prétexte pour écrire à l’inspection académique. Je me souviens qu’elle avait fait des pieds et des mains pour que l’enfant soit placé en classe Ulis [Unités localisées d’inclusion scolaires, Ndlr] alors qu’il ne présentait aucun handicap… Mais pour cette dame, tout était sombre. »

Pour celles qui vivaient à ses côtés, c’était en effet le cas. « Quand elle parlait, tout le monde baissait la tête, explique Isabelle, en couple courant 2012 avec R., ex-compagnon de Céline. On me l’a présentée comme la fille du conjoint de Marie-anne. Je n’ai appris la vérité qu’après. Elle n’avait pas le droit de sortir et passait son temps à faire le ménage. »

Comme Céline, Isabelle a eu un parcours de vie chaotique. Et comme elle, elle est rapidement tombée enceinte de R.. « On m’a forcé à avorter, confesse-t-elle. J’aurais aimé garder cet enfant mais je n’ai pas eu le choix. » L’emprise s’abat aussi sur elle, privée d’argent et de sa carte d’identité. « Je n’avais pas la force de partir. J’étais comme un enfant de trois ans, incapable de prendre la moindre décision. Marie-anne vérifiait tout, même la quantité de mascara sur mes cils. Les jupes, les talons, tous les vêtements féminins étaient interdits. » Après sept mois «enenfer», Isabelle retrouvera la liberté à l’occasion d’une dispute avec R., en promettant à Céline de ne rien dire sur ses conditions de vie. « Elle voulait à tout prix rester avec son fils… »

« Je suis partie avec ma culpabilit­é »

« Je me demande aujourd’hui encore comment j’ai pu accepter tout ça, reprend Laurie. J’en étais rendue à cacher la monnaie du pain pour me payer un café au travail. À 20 ans ! J’ai vécu l’enfer, mais c’était rien par rapport à ce qu’a vécu Céline. Moi je suis partie comme une voleuse, avec ma culpabilit­é. Je savais qu’elle était maltraitée… » Céline, « brisée », n’est « plus la personne joyeuse et vivante » qu’elle était « avant ». « Cette fille n’existe plus » ,regrette-t-elle. Mais aujourd’hui, Céline dit. Voit. Entend. Demain, elle connaîtra le bien. 1. Les prénoms ont été changés.

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(Croquis Rémi Kerfridin) Sur le banc des parties civiles, Céline (à gauche) tourne le dos dès que l’accusée prend la parole.

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