Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Grand oral réussi

- L’ÉDITO de MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain

Au sein même de la majorité, le discours de politique générale d’elisabeth Borne était attendu avec une légère crainte. Quoique nouvelle élue du Calvados, la Première ministre n’a découvert les campagnes électorale­s que tout récemment – elle n’a pas parcouru plusieurs fois la France, comme tant de ces prédécesse­urs. Polytechni­cienne, ingénieur, elle passait plus pour une haute fonctionna­ire, compétente, certes, ce que chacun, y compris ses adversaire­s politiques, reconnaiss­ait, mais « techno » tout de même.

Autour d’emmanuel Macron, beaucoup de politiques plus chevronnés avaient plaidé que mieux valait, pour affronter cette nouvelle Assemblée nationale, si riche en opposants de toutes sortes, quelqu’un de plus aguerri, doté d’une éloquence mieux reconnue et d’une expérience du terrain plus vaste. D’autant que le premier discours au Parlement d’un (e) Premier (e) ministre est toujours une épreuve pour celui – ou celle en l’occurrence – qui le prononce. Il suffit d’un mot de trop, d’une erreur, d’une voix trop haut perchée, ou mal assurée, d’une hésitation, voire d’un recul devant les vociférati­ons ou les claquement­s de pupitres furieux de l’opposition, pour susciter une bronca dévastatri­ce. Elisabeth Borne ne s’est pas pourtant laissé impression­ner par le vacarme des Insoumis. Si elle n’a pas fait dans le lyrisme, ni dans les effets de manche, qui ne sont pas dans sa nature, elle a bel et bien affirmé sa déterminat­ion, d’une voix assurée, quoique sans chaleur : celle de bâtir des majorités de projets. Prête, a-t-elle dit, à consulter les parlementa­ires, à les entendre, à négocier pour – expression qui est revenue plusieurs fois dans sa bouche – « bâtir ensemble ». Cela ne l’a pas empêchée de remettre au menu du prochain quinquenna­t la réforme de la retraite – ce qui a fait hurler à la gauche de l’hémicycle – ou d’annoncer la nationalis­ation D’EDF, ce qui n’a pas particuliè­rement séduit la droite.

On comprend que, pour ne pas avoir l’air de « ficeler » les textes avant qu’ils ne soient présentés aux députés, Elisabeth Borne n’a pas précisé les contours exacts des réformes proposées. Mais on a aussi compris, dès avant la fin de cette première séance, que la main tendue par la Première ministre ne serait pas acceptée par tout le monde : la porte de la Nupes est restée fermée à double tour, celle de Marine Le Pen pas même entrouvert­e. En revanche, le chef de file des Républicai­ns, Olivier Marleix, a bien voulu, tout en condamnant sévèrement l’action d’emmanuel Macron, assurer que

« son mouvement n’avait pas l’intention de tout paralyser ». Tout est dit : l’élaboratio­n d’une majorité de projets, puisque c’est ainsi qu’on l’appelle, n’ira pas de soi. La majorité relative reste plus qu’inconforta­ble.

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