Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

« L’accompliss­ement d’une vie »

Meba-mickael Zeze est devenu le quatrième Français de l’histoire à briser la barrière des 10’’00 sur 100 m et le deuxième à passer sous les 20’’00 sur 200, dimanche en Suisse. Une perf’ folle !

- CHRISTOPHE­R ROUX

Il a déboulé dans la grande histoire de l’athlétisme français. Avec fracas, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine. A 28 ans, après des années de doute, entre blessures et soucis personnels, Meba-mickael Zeze vient de signer le meeting de sa vie, dimanche dernier à La Chaux-de-fonds. En Suisse, le Normand d’origine et Mandolocie­n d’adoption a claqué 9’’99 sur la ligne droite et 19’’97 sur le 200 m. Avec ces chronos, il se range dans la foulée des Lemaitre, Vicaut et Pognon, trois autres légendes du sprint tricolore. Mardi, il avait encore du mal à réaliser.

Mickael, vous avez vécu un dimanche complèteme­nt fou... C’était dingue et je reste sur mon nuage. C’est fou ! Je ne réalise pas. Je suis en Normandie chez mes parents et en train de faire le tour de Val-de-rueil (Eure) .Jesuis retourné sur la piste où j’ai commencé, je me suis souvenu de certaines choses. Mais le mot que je retiens, c’est enfin. Enfin j’atteins le niveau que je voulais. Je suis enfin dans ma zone de confort et ce n’est que le début. J’ai été plus surpris par le 200 m parce que j’attendais les 9’’ sur le 100. Je m’étais préparé pour et je savais que j’allais le faire. Mais 19’’97, quelle claque !

J’ai repris le 200 m alors que cela faisait trois ans que je n’en avais plus couru. C’est juste incroyable. Je n’ai pas les mots.

Qu’avez-vous ressenti surlapiste?

Sur le 200, je me dis qu’il faut que je parte très très fort parce que derrière moi j’ai un champion olympique (du 4X100 m, NDLR). Tortu est là (rire), et il a fini devant les Anglais au finish à Tokyo. Quand je vois le Cubain (Mena Reynier)

passer devant moi à la sortie du virage, j’essaie de relancer. Je regarde son chrono à l’arrivée (1er en 19’’63) et on me dit que j’ai fait 19’’97. Là, je ne savais plus où me mettre. Sur le 100 m, j’avais kiffé mes 9’’99 et je ne pensais pas au 200 m. Je pars du principe que si je me donne à fond, il y aura forcément une surprise ou une récompense.

Vous aviez dédié votre récent titre de champion de France du 200 m à votre fils. Liam a-t-il compris ce que vous avez réalisé dimanche ? Pour lui, cela fait beaucoup. Il n’a que quatre ans (rire) .Ilvamedire: ‘‘C’est bien papa mais que représente­nt tous ces chiffres (rire)’’. Pour moi, c’est l’accompliss­ement d'une vie et d’une carrière. Avoir réalisé tout ça la même journée fait de moi quelqu’un d'exceptionn­el. Quoi qu’il arrive, j’ai réussi ma carrière. Et c’est fort de pouvoir le dire. Mickael, tu as écrit l'histoire.

Que représente­nt pour vous Vicaut, Lemaitre et Pognon ? Quand j’ai intégré l’équipe de France sur le relais, ils étaient à leur top niveau. J’ai vu comment ça se passait pour eux, leur tempéramen­t. Pour moi, ils sont hyper inspirants. C’est grâce à eux si j’en suis là. Ils m’ont donné l’envie de me surpasser. Contrairem­ent à moi, ils ont été très forts très jeunes. J’envoie donc un autre message à la génération actuelle : croire en ses projets, être persévéran­t.

Vous ne ferez pas les Mondiaux d’eugene (EU, 15-24 juillet) en individuel mais seulement en relais…*

Je suis frustré mais je prends ces Mondiaux comme une opportunit­é. J’y vais avec le relais et c’est une chance de médaille. Je vais là-bas clairement pour ça. Je ne suis plus dans l’optique de viser une simple finale. Cela fait dix ans que je participe aux championna­ts du monde. Je les avais déjà faits en 2013 à Moscou. J’avais 19 ans. Il est temps de concrétise­r toutes ces années de travail avec une médaille. C’est ce que j’ai au plus profond de moi. J’y pense aussi pour l’euro (à Munich en Allemagne, 15-21 août). Sur 100, 200 et 4X100 m, il y aura quelque chose à faire.

Avez-vous songé à l’arrêt de votre carrière après toutes vos galères ? Non, je n’ai pas perdu espoir.

Je suis conscient de mon potentiel depuis très longtemps. Après tout qu’il s’est passé, voir où je me trouve me fait vraiment plaisir. Cadets, Juniors, c’étaient de belles années. Je commençais à connaître le haut niveau et puis j’ai eu des blessures, des problèmes profession­nels et personnels. J’ai eu des périodes de doutes par rapport à mon corps. Je ne pouvais pas profiter de mon potentiel et c'était frustrant, mais j’ai réussi à passer par-dessus ces flammes et toutes ces zones d'ombre.

Vous êtes réconcilié avec votre corps ?

Ah oui, complèteme­nt. En début de saison, je me suis soigné pour utiliser tout mon potentiel. On a fait deux PRP (un procédé sanguin qui permet une cicatrisat­ion plus rapide) avec le docteur Michel Gaillaud.

DEUX CHRONOS DANS L’HISTOIRE

Top 5 français sur 100 m :

1. Jimmy Vicaut 9’’86 (2015-2016)

2. Christophe Lemaitre 9’’92 (2011)

3. Ronald Pognon 9’’99 (2005) . Meba-mickael Zeze 9’’99 (2022)

5. Daniel Sangouma 10’’02 (1990)

Top 5 français sur 200 m :

1. Christophe Lemaitre 19’’80 (2011)

2. Meba-mickael Zeze 19’’97 (2022)

3. Gilles Quénéhervé 20’’16 (1987)

4. Daniel Sangouma 20’’20 (1989) . Jean-charles Trouabal 20’’20 (1993)

Mon corps me le rend aujourd'hui et c'est trop bien.

Que répondez-vous à ceux qui minimisent vos performanc­es, au motif que les conditions du meeting, disputé à 1000 m d'altitude, les ont facilitées ? L’avantage de mes courses, c’est qu’elles sont perfectibl­es. Sur les deux de dimanche, je sais que je peux faire mieux et cela me laisse de la marge. Aujourd’hui, si la piste et le vent sont homologués, le chrono l'est aussi. Je savoure et je ne m’arrête pas sur les personnes qui pensent négativeme­nt. Je compte même faire mieux.

Cela fait de moi quelqu’un d’exceptionn­el”

Rêvez-vous des 9’’86 et 19’’80, les records de France du 100 et 200 m de Vicaut et Lemaitre…

Il faut aller les chercher. Je ne me fixe pas de limite. Les 19’’97 étaient improbable­s et puis... J’ai encore quelques problèmes au tendon d'achille. Cela fait trois semaines que je traîne une douleur à l'ischio droit. Une fois que j’aurai bien récupéré, ça va repartir. Souvent, les athlètes ont peur d’exprimer leurs envies. En France, on pense que si on parle trop, on se porte l'oeil. Je ne suis pas de cet avis. Je préfère être dans l’idée de me dépasser. Je suis comme ça dans la vie et je ne vais pas me cacher ou changer ma personnali­té. Je suis qui je suis. * Ses deux chronos ont été réalisés en dehors de la fenêtre de qualificat­ion.

 ?? (Photo Swiss Atletics) ?? Le Mandolocie­n d’adoption ne veut pas s’arrêter là. Après des blessures dont une double tendinite au tendon d’achille l’an dernier, il renaît. Ses anciens records étaient de 10’’15 sur 100 m et 20’’41 sur 200 m. Ils dataient de 2021.
(Photo Swiss Atletics) Le Mandolocie­n d’adoption ne veut pas s’arrêter là. Après des blessures dont une double tendinite au tendon d’achille l’an dernier, il renaît. Ses anciens records étaient de 10’’15 sur 100 m et 20’’41 sur 200 m. Ils dataient de 2021.

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