Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
« On est courageux, mais jusqu’à quand ? »
« Tout est en train de mûrir alors qu’habituellement, j’ai un pic de production fin juillet-début août ». Aurélien Passeron, ancien coureur cycliste professionnel reconverti dans l’agriculture bio, exploite depuis 5 ans « Les restanques d’aurélien », à L’escarène. Il y cultive des variétés de tomates anciennes, marmande, coeur de boeuf, ananas, mais aussi des courgettes trompettes. Il produit de l’huile d’olive de Nice et exploite un verger de grenadiers.
« Le manger sain n’est plus une priorité »
« Aujourd’hui, on récolte entre 200 et 250 kilos de tomates par jour. Dans cinq-six jours, je vais en avoir 500 kilos plusieurs fois par semaine. Et on se retrouve avec des difficultés à vendre. »
« Le bio se casse la gueule. Pendant deux ans, on a surfé sur le Covid. Les consommateurs ne voulaient pas aller au supermarché parce qu’ils avaient peur d’être contaminés, et venaient chez nous. Aujourd’hui, les magasins bio perdent des clients. Les gens retournent à Lidl. Le “manger sain” n’est plus une priorité dans ce contexte de baisse du pouvoir d’achat », regrette le maraîcher de 38 ans, qui pointe « des difficultés qui se croisent ».
« Inquiet pour l’arrière-saison »
Car dans le même temps, le stade « alerte sécheresse », déclenché le 31 mars dans une grande partie du département par le préfet, et étendu le 23 mai à l’ensemble des Alpes-maritimes, à l’exception de la Siagne, impose aux agriculteurs une réduction de 30 à 40 % de leur consommation d’eau.
« Je suis inquiet pour l’arrière-saison. J’ai fait le sacrifice de certaines cultures car je sais que je ne pourrai pas les arroser. J’aurais donc une perte à ce niveau-là. Et si, dans les semaines qui suivent, je n’arrive pas à commercialiser mes tomates, ce sera une année à zéro pour moi. On a besoin des consommateurs. Certains n’ont malheureusement pas conscience des prix de revient d’un légume bio, local, par rapport à un légume qui vient d’espagne. »
« On ne peut pas descendre plus bas »
« On souffre aussi de la concurrence des Italiens qui, sur les marchés, proposent des tomates en dessous du coût de production qu’on peut avoir en bio en France. Ils font du mal à la production locale. Mais les traités de libre-échange sont ainsi faits. On est courageux, mais jusqu’à quand ? Il arrivera peut-être un moment où on ne pourra plus pérenniser l’agriculture locale », se désolet-il.
En attendant, le maraîcher envisage de proposer des remises sur les cagettes ces prochaines semaines, pour ne pas gâcher : « Habituellement on vend le kilo 4,50 ou 4,90 euros selon les variétés. On va commencer à vendre 4 euros le kilo par cagette de 5 kilo. C’est le minimum vital. On ne peut pas descendre plus bas. »