Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Séquestrée de St-raphaël : 14 ans requis contre l’accusée
L’avocate générale a requis 14 ans de réclusion à l’encontre de Marie-anne Colangelo, accusée d’avoir séquestré son ex-belle-fille durant 4 ans dans sa villa.
Mille cent quatrevingt-sept jours à « se tourner les pouces ou compter les moutons » sur un banc. Dans le noir. Recluse à l’étage dans un couloir de quatre mètres carrés. Conclusion délirante d’années de soumission, d’humiliation (lire nos éditions précédentes). Un processus long et douloureux qui a commencé par une interdiction de se rendre seule en ville. Puis d’aller travailler. De sortir dans le jardin, puis de la maison. Avant de devenir « la fille d’en haut » .Ce qui pourrait être le titre d’un roman d’été d’harlan Coben n’était autre que le surnom donné aux policiers par son fils, sans savoir qu’il désignait ainsi sa mère.
Interdiction de droits civiques
Céline a vécu dix ans prisonnière
(1) de la toile tissée par Marie-anne Colangelo dans sa villa de Saint-raphaël. Aujourd’hui, c’est au tour de son bourreau d’être entravé devant la cour d’assises du Var. Accusée de séquestration, d’abus de faiblesse sur personne en état de sujétion psychologique, violences sur personne vulnérable, escroquerie au jugement et soumission à des conditions d’hébergement indigne, Marie-anne Colangelo encourt vingt ans de réclusion criminelle. Hier, à l’issue de ses réquisitions, l’avocate générale Florence Caserio a demandé aux jurés varois de la condamner à une peine de 14 ans, assortie de dix ans d’interdiction de droits civiques et civils et six ans de suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins et une interdiction de contact avec ses enfants et son petitfils.
« Quand les pompiers ont récupéré Céline, elle avait l’odeur d’une SDF, retrace son avocate, Me Isabelle Colombani. Sa peau était translucide par manque de vitamine D. » La jeune femme était devenue un fantôme. L’emprise de Marie-anne Colangelo son boulet.
Un box trop vide selon la défense
« Une emprise tellement forte qu’il était impossible pour tous, dans cette famille, de s’en défaire, détaille Florence Caserio. Il n’y avait aucune perspective de dégagement. »
Certains avaient connaissance de la situation de Céline. Mais pas les ressources, aux yeux du ministère public, pour agir. «Ilyaune responsabilité morale, mais pas matière à responsabilité pénale. » C’est pourquoi la sexagénaire est seule à répondre de ces actes, au grand dam de son avocat, Me Selim Mamlouk. «Cebox est trop vide. On ne peut pas m’empêcher de croire que R., le fils de Marie-anne, n’a pas mis sa pierre à l’édifice du malheur de Céline. »
Des complicités, Me Mamlouk en décèle également chez l’avocat et l’huissier qui ont oeuvré auprès de Marie-anne Colangelo dans le processus d’adoption de son petit-fils. « Ils ont été le bras armé de ses lubies. Personne ne s’est demandé s’il n’y avait pas anguille sous roche ? Personne n’a pensé à vérifier ses allégations sur l’état de santé soi-disant précaire de l’enfant ou la fausse domiciliation de Céline, imposée par Marieanne ? »
Pour autant, la «mère totale » – « cette reine des abeilles » image l’expert psychologue Jacques Milanomayan – tirait bien les fils de cette pièce macabre en trois actes. Installant d’abord la confiance, mettant ensuite en place l’isolement avant de placer sa victime en situation de dépendance. Ce schéma a été répété à de multiples reprises avec les belles-filles de Marie-anne Colangelo. Avec plus ou moins de réussite. Mais avec Céline ,«cefutla rencontre de l’huile et du feu », concède Me Mamlouk. La rencontre d’une personnalité de type dépendante, au parcours de vie délétère, avec une femme qui ne supporte pas la perte. « Céline a été bouffée, digérée, expulsée », conclut le psychologue. Elle n’a dû son salut qu’à son refus de devenir une ombre.