De l’autre côté de la rue

D’abord, il y a un hurlement. Puis une silhouette enragée qui déboule dans le hall de l’immeuble. Des coups qui pleuvent. Une voix féminine qui appelle à l’aide. Un grognement masculin qui éructe un chapelet d’injures. Des coups encore. Et à l’étage, deux enfants qui pleurent.

Cela se passe à Draguignan, en milieu d’après-midi, le 12 juin 2022. La police arrive quinze minutes plus tard. Des voisins descendent pour témoigner. L’un des agents, côté passager, regarde sa montre d’un air goguenard : « C’est normal, hein, c’est l’heure de l’apéro ! »

Ce n’était pas la première fois. Ce ne sera pas la dernière. Les statistiques officielles le rappellent froidement : ces drames sont quotidiens. Chaque année, 213 000 femmes sont victimes de violences physiques de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Tous les trois jours en moyenne, une malheureuse succombe sous les coups de son compagnon actuel ou passé. Déjà 56 depuis le début de l’année. La dernière en date, abattue lundi dans les Hautes-pyrénées, se prénommait Aurélie. Elle avait 32 ans. Quoi d’autre ? Plus d’une femme sur deux a déjà subi une forme de violence sexuelle au moins une fois dans sa vie. Le premier rapport est non consenti pour une femme sur six. Parmi celles-ci, une sur trois n’avait pas quinze ans. Ces chiffres donnent envie de vomir. Si les langues se délient, si le monde politique prend enfin la mesure de ce scandale, il est urgent d’adapter la réponse judiciaire. Il faut aussi que certains policiers cessent de considérer « quelques taloches » comme un phénomène sans importance. À Draguignan, quatre semaines plus tard, des hurlements s’échappent encore régulièrement de l’appartement au deuxième étage. L’homme est toujours là. La femme aussi. Et les deux enfants à bout de larmes.

« L’un des agents regarde sa montre d’un air goguenard : ‘‘C’est normal, hein, c’est l’heure de l’apéro’’… »