Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
À Beausoleil, un procès aux accents russo-brésiliens
Sept personnes, dont une mère et son fils, comparaissent à Nice pour avoir participé à des degrés divers à un réseau de proxénétisme et de trafic de drogue.
Les copropriétaires de l’immeuble Les Flots d’or, rue Guynemer à Beausoleil, fatigués par des allées et venues dans l’appartement d’une escort-girl, ne se doutaient pas qu’ils seraient à l’origine d’une enquête tentaculaire. Le tribunal correctionnel de Nice consacre trois jours cette semaine à l’examen d’une affaire, où se mêle prostitution de luxe et trafic de drogue à Beausoleil, Menton et Monaco.
« Matrone »
Au coeur de ce sulfureux dossier, il y a Janice Gycero, flamboyante quinquagénaire brésilienne, titulaire d’une carte de résidente monégasque. Elle se présente comme femme de ménage. Les gendarmes la qualifient de « matrone ». La justice lui reproche d’assurer la logistique à l’arrivée de compatriotes prostituées, de passer des petites annonces sur les sites spécialisés, de fournir des voitures de location, des sex-toys, ou des préservatifs... Le parquet de Nice et celui de Monaco avaient décidé de mettre en place une équipe commune d’enquête en avril 2020. À l’activité de proxénétisme de Janice Gycero, s’ajoute une vente de drogue (cocaïne, MDMA, cannabis…) pour les clients des prostituées. Un service commercial assuré par Douglas, le propre fils de Janice Gycero, grand jeune homme « rasta » très instable dans la vie, comme dans le box des prévenus. « La consommation de cocaïne faisait parfois partie intégrante de la prestation », confie un enquêteur.
Les investigations identifient des dizaines d’escorts, dont certaines sont dûment déclarées comme travailleuses du sexe dans la Principauté. Elles louent à la semaine des appartements aux Flots d’or et aux Jardins d’elisa. Il apparaît que les différents protagonistes, notamment Janice, ont un train de vie sans commune mesure avec leurs revenus officiels. « Vous versez personnellement 3 500 euros de loyers par mois », remarque la présidente Audrey Albertini, qui tente de démêler ce volumineux dossier d’enquête. Beaucoup d’argent repart également par mandat au Brésil, ce qui vaut à Janice Gycero d’être poursuivie pour blanchiment et traite des êtres humains. Talita, Kelly, Sheyme, Hilda, Deborah ou Valeria gagnent, selon les mois entre 5 000 et 15 000 euros. Les escort-girls, placées sur écoutes par les gendarmes, accablent Janice, mais évoquent parfois Alexandra Romadina, 70 ans, riche veuve russe propriétaire d’une dizaine d’appartements. Qui s’est toujours défendue de connaître l’activité réelle des locataires.
7 ans de prison requis
La justice, incrédule, a confisqué l’ensemble des appartements et bloqué ses nombreux comptes bancaires. « Quel est l’intérêt de sous-louer par l’intermédiaire de Janice », s’interroge Me Pascal De Souza, avocat d’une seule prostituée partie civile. Alexandra Romadina répond en italien : «Jene parlais pas bien français. Janice faisait le ménage et fournissait des locataires... Comme une agence prend une commission. » – « N’était-ce pas pour cacher le fait que celles qui souslouaient étaient des prostituées ? », insiste Me De Souza. Janice, elle, dément avoir tiré le moindre profit des passes de ses compatriotes, mais assure avoir dégagé un bénéfice de la sous-location uniquement. Le procureur Marc Ruperd décrit « une sorte de conciergerie au service de la prostitution », « un business familial très rentable avec des prestations largement surfacturées. » Il requiert sept ans d’emprisonnement contre Janice Gycerio, 10 000 euros d’amende et une interdiction de territoire national. Cinq ans de prison sont demandés à l’encontre de son fils Douglas, à la tête du trafic de drogue ; quatre ans contre Benjamin Dangelo, qualifié de lieutenant. Quant à la propriétaire russe, le procureur a demandé une peine de deux ans de prison. Les plaidoiries de la défense ont débuté. Le jugement est attendu ce mercredi soir.