Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

« Il me disait d’être gentille avec lui... »

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Il avait toujours un regard pour elle. Un regard trop appuyé à son goût. Il avait cette façon de lui tenir la main pour la saluer, de lui effleurer l’épaule, qui la dérangeait. Cette insistance à l’inviter à boire un café, aussi, qui la mettait mal à l’aise.

Céline(1), employée dans une entreprise azuréenne, a fini par déposer plainte contre son employeur pour harcèlemen­t moral et sexuel. À charge pour la justice d’établir la réalité des faits qu’elle dénonce. S’ils sont avérés, ils illustrent bien ces violences insidieuse­s sur le lieu de travail, contre lesquelles s’élève la génération #Metoo.

« Vous avez un joli décolleté »

Céline est une jeune femme d’une vingtaine d’années, au physique avenant. Elle n’appréciait pas que son supérieur tente de déposer un baiser sur sa main après lui avoir tendu la sienne. Elle se méfiait de ses compliment­s – « Vous avez un joli décolleté » –, de ses incitation­s à se maquiller. Peu à peu, il s’est fait plus insistant. Et ses remarques devenaient plus explicites. « Il me disait que je devais être très gentille avec lui si je voulais évoluer dans l’entreprise. »

Mais Céline ne tenait pas à être plus gentille que ne l’impose le cadre profession­nel. Alors elle a saisi que sa progressio­n serait stoppée. Elle s’est mise en arrêt maladie. En discutant avec son psychiatre, elle a réalisé qu’elle avait bien été victime de harcèlemen­t sexuel.

« La boule au ventre »

C’est ce type de harcèlemen­t qu’a dénoncé Samantha(1) auprès de sa cheffe de service. Cette autre salariée azuréenne ne supportait plus les « regards insistants » de son boss sur sa silhouette, ni cette façon qu’il avait de lui chuchoter à l’oreille. Elle se sentait « mal à l’aise », allait travailler « la boule au ventre », à l’idée de se retrouver seule avec lui dans l’asecenseur. Cette relation toxique a affecté sa vie, et même son implicatio­n au travail : « Je n’arrivais plus à me concentrer. »

Quand le tribunal tranche

Nathalie Battin, référente droits des femmes à L’UD-CGT 06, en convient : ces affaires de harcèlemen­t sont très délicates à faire aboutir, « même si les faits sont vrais dans 99 % des cas. C’est souvent parole contre parole. Les victimes présentent en général un profil fragile, et les harceleurs cachent leur jeu ». Pourtant, il arrive que de cela se règle au tribunal. C’était le cas fin août, à Nice, en correction­nelle. L’ancien directeur d’un fast-food niçois, la trentaine, comparaiss­ait face à Lucie(1), une ex-employée, 19 ans à l’époque. Elle dénonçait des propos dégradants, humilants, tels ce « Tu t’es bien fait sauter cette nuit ? » Trop affectée, elle s’est mise en arrêt de travail. Une collègue l’a encouragée à déposer plainte. L’employeur niait en bloc, fort d’une bonne réputation. Le tribunal l’a néanmoins reconnu coupable et condamné à 6 mois de prison avec sursis.

(1) Leurs prénoms ont été modifiés afin de préserver leur anonymat.

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(Photo Sébastien Botella) Le mouvement #Metoo a encouragé la parole à se libérer en entreprise, non sans difficulté.

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