Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Merci Poutine ?

- D’ERIC NERI Rédacteur en chef edito@nicematin.fr

Faudra-t-il, un jour, remercier Vladimir Poutine pour son invasion de l’ukraine ? L’interrogat­ion n’est pas exempte d’une bonne charge provocatri­ce alors que des dizaines de milliers de civils et de militaires ont perdu la vie ou ont été blessés après l’agression russe, que des centaines de milliers de personnes ont pris les routes de l’exode, douloureux écho à l’avancée de l’armée allemande en 1940.

Et que, dernier délire en date, le maître du Kremlin, tel Charlie Chaplin jouant avec le globe terrestre dans Le Dictateur, laisse planer sur nos têtes la menace de l’emploi de l’arme nucléaire.

Il aura pourtant fallu qu’il ferme le robinet du gaz pour que nos États mais aussi les citoyens que nous sommes prennent conscience pour de bon de la finitude des énergies fossiles.

Pétrole, gaz, charbon... : ces ressources que nous a léguées notre Terre lors de sa formation il y a quelques milliards d’années se tarissent inexorable­ment après 150 ans d’exploitati­on intensive. Elles ont assuré, depuis la révolution industriel­le, dans la dernière partie du XIXE siècle, le plus formidable développem­ent qu’ait connu l’humanité. Revers de la médaille, elles ont aussi provoqué des dégagement­s de CO2 tels qu’ils bouleverse­nt le climat et hypothèque­nt l’avenir du vivant sur notre planète bleue. La prise de conscience environnem­entale a fait doucement son chemin ces dernières années. Trop lentement sans doute, d’autant qu’elle s’est accompagné­e, en parallèle, d’une fuite en avant non dénuée d’une bonne dose d’hypocrisie.

Pourquoi accélérer la transition énergétiqu­e alors qu’il suffit d’aller chercher toujours plus en profondeur gaz et pétrole, ou d’exploiter le gaz de schiste fût-ce au prix d’une fracturati­on hydrauliqu­e particuliè­rement délétère pour l’environnem­ent ? Pire encore dans le cynisme : pourquoi ne pas miser sur le dégel de l’arctique à cause du réchauffem­ent climatique pour mettre la main sur ses ressources, aujourd’hui prisonnièr­es des glaces ? La brutalité du tour de vis de Poutine a pris tout le monde de court. La réouvertur­e de centrales à charbon en Allemagne et l’achat de gaz de schiste aux États-unis (l’exploitati­on est interdite en France) par Engie montrent dans quelle panique sont plongés nos États, obligés de transgress­er leurs engagement­s

« Il aura fallu qu’il ferme le robinet du gaz pour que nous prenions conscience pour de bon de la finitude des énergies fossiles. »

pour passer l’hiver au chaud. Certains aspects des plans de sobriété énergétiqu­e adoptés par les pays victimes de cet inattendu coup de pompe peuvent paraître accessoire­s. Ils ne résoudront pas les problèmes de fond - s’engager cette fois résolument dans la transition énergétiqu­e - mais en incitant chacun à faire sa part, ils pourront démontrer que les petits ruisseaux peuvent faire les grandes rivières. Restera, une fois la guerre terminée et les tensions aplanies, à ne pas retomber dans le monde d’avant. A tirer toutes les leçons de l’agression de Poutine. Y compris du coup de semonce énergétiqu­e et environnem­ental.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France