Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Merci Poutine ?
Faudra-t-il, un jour, remercier Vladimir Poutine pour son invasion de l’ukraine ? L’interrogation n’est pas exempte d’une bonne charge provocatrice alors que des dizaines de milliers de civils et de militaires ont perdu la vie ou ont été blessés après l’agression russe, que des centaines de milliers de personnes ont pris les routes de l’exode, douloureux écho à l’avancée de l’armée allemande en 1940.
Et que, dernier délire en date, le maître du Kremlin, tel Charlie Chaplin jouant avec le globe terrestre dans Le Dictateur, laisse planer sur nos têtes la menace de l’emploi de l’arme nucléaire.
Il aura pourtant fallu qu’il ferme le robinet du gaz pour que nos États mais aussi les citoyens que nous sommes prennent conscience pour de bon de la finitude des énergies fossiles.
Pétrole, gaz, charbon... : ces ressources que nous a léguées notre Terre lors de sa formation il y a quelques milliards d’années se tarissent inexorablement après 150 ans d’exploitation intensive. Elles ont assuré, depuis la révolution industrielle, dans la dernière partie du XIXE siècle, le plus formidable développement qu’ait connu l’humanité. Revers de la médaille, elles ont aussi provoqué des dégagements de CO2 tels qu’ils bouleversent le climat et hypothèquent l’avenir du vivant sur notre planète bleue. La prise de conscience environnementale a fait doucement son chemin ces dernières années. Trop lentement sans doute, d’autant qu’elle s’est accompagnée, en parallèle, d’une fuite en avant non dénuée d’une bonne dose d’hypocrisie.
Pourquoi accélérer la transition énergétique alors qu’il suffit d’aller chercher toujours plus en profondeur gaz et pétrole, ou d’exploiter le gaz de schiste fût-ce au prix d’une fracturation hydraulique particulièrement délétère pour l’environnement ? Pire encore dans le cynisme : pourquoi ne pas miser sur le dégel de l’arctique à cause du réchauffement climatique pour mettre la main sur ses ressources, aujourd’hui prisonnières des glaces ? La brutalité du tour de vis de Poutine a pris tout le monde de court. La réouverture de centrales à charbon en Allemagne et l’achat de gaz de schiste aux États-unis (l’exploitation est interdite en France) par Engie montrent dans quelle panique sont plongés nos États, obligés de transgresser leurs engagements
« Il aura fallu qu’il ferme le robinet du gaz pour que nous prenions conscience pour de bon de la finitude des énergies fossiles. »
pour passer l’hiver au chaud. Certains aspects des plans de sobriété énergétique adoptés par les pays victimes de cet inattendu coup de pompe peuvent paraître accessoires. Ils ne résoudront pas les problèmes de fond - s’engager cette fois résolument dans la transition énergétique - mais en incitant chacun à faire sa part, ils pourront démontrer que les petits ruisseaux peuvent faire les grandes rivières. Restera, une fois la guerre terminée et les tensions aplanies, à ne pas retomber dans le monde d’avant. A tirer toutes les leçons de l’agression de Poutine. Y compris du coup de semonce énergétique et environnemental.