Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

« Ma mère ne militait pas et n’a jamais été une militante féministe »

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE

Ne mélangez pas tout. Entre la réalisatio­n cinématogr­aphie et la famille de la regrettée Simone Veil, aucun lien. Pas question de faire la promotion de quoi que ce soit. La mise au point étant faite, Pierre-françois Veil a accepté d’évoquer sa mère, son souvenir, son lien avec la Côte d’azur en son hommage.

Quand vous venez à Nice, est-ce une sorte de pèlerinage ou essayez-vous d’écrire votre propre histoire avec la ville ?

Affirmer l’un ou l’autre serait excessif. Je suis attaché à Nice. J’ai beaucoup de liens affectifs avec cette commune.

Pour les Français, votre mère est une icône. Pour vous également ?

[rires] Pas du tout ! Pour plusieurs raisons. La première c’est qu’en quelque sorte pour tous les enfants, leur mère est une icône. Au final, pour moi pas plus que pour les autres. La seconde c’est que maman est devenue une icône nationale à un moment où j’avais 20 ans. Et enfin, la troisième : je connaissai­s la vie de maman bien avant qu’elle ne devienne une personnali­té. Tous ses proches avaient conscience qu’elle avait vécu et réalisé des choses, notamment en tant que magistrate dans sa vie profession­nelle, hors du commun.

Vous sentiez déjà que votre mère n’était pas comme toutes les autres ?

En réalité je pensais, comme tous les enfants, que ma maman était spéciale… Et disons que j’avais raison ! [rires]

En quoi a-t-elle influencé l’homme que vous êtes ?

Par l’éducation qu’elle nous a donnée. Les valeurs qu’elle nous a transmises.

Quel genre de maman était-elle ? Très câline, très affectueus­e. Elle était très démonstrat­ive avec ses enfants.

C’est vrai que son image extérieure est celle d’une personne assez réservée. Mais elle était très proche de nous, tous les matins lorsque j’habitais encore à la maison, j’allais dans sa chambre et je m’asseyais sur le lit pour discuter avec elle.

Grandir, évoluer, en portant ce patronyme : c’était un poids ?

Franchemen­t, ce serait très mal placé de dire cela. Il y a quand même des avantages. Disons que cela place la barre peut-être un peu plus haut que prévu.

Nous vivons une période où le féminisme est devenu un réel sujet : qu’en pensez-vous ?

On n’était pas féministe il y a 40 ans comme on est féministe aujourd’hui. Il n’y a qu’à voir le débat qui a été lancé par les propos d’élisabeth Badinter il y a quelques jours. Mais effectivem­ent, tout comme il y a 40 ans, sans même parler des extrêmes, il y avait déjà plusieurs manières d’exprimer le féminisme, de l’aborder. Ceci étant, maman n’a jamais été une militante féministe. Ni militante d’autre chose. La loi de 1974, qui est présentée comme un combat féministe ne l’était pas du tout pour elle.

Ahoui?

Évidemment que la loi concerne les femmes et qu’elle s’exprime comme une femme. Mais elle ne le fait pas dans l’idée d’un combat féministe. Si elle l’avait fait de cette manière, la loi ne serait pas passée. Il faut voir cela face aux équilibres politiques de l’époque : la majorité est à droite. Elle l’a présentée comme une loi de santé publique, ce qui a permis ainsi de la faire voter. Affirmer le contraire est un contresens.

Quand vous voyez la figure de votre mère reprise sous toutes ses coutures par les mouvements féministes, vous vous dites qu’on mélange tout ?

Je ne suis pas dépositair­e d’une parole sacrée, il ne faut pas exagérer. D’ailleurs je ne m’autorisera­is pas à dire ce que maman penserait de telle ou telle chose. Je ne m’y risque pas. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’elle s’est battue pour avoir une vie profession­nelle, ce qui était rare à l’époque. Mais ce n’était pas une militante féministe, elle n’aurait pas été parmi les suffragett­es.

 ?? (Photo archives D. M.) ?? Pierre-françois Veil devant la plaque du 50 avenue Clemenceau, à Nice, où a grandi sa mère.
(Photo archives D. M.) Pierre-françois Veil devant la plaque du 50 avenue Clemenceau, à Nice, où a grandi sa mère.

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