Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Rebecca Marder : « Simone Veil, une frondeuse »

- RECUEILLI PAR S. C. RECUEILLI PAR S. C.

Préparatio­n

J’ai passé trois tours d’auditions où je devais incarner Simone Veil à des âges différents, de 15 à 37 ans, soit la période où je l’interprète dans le film. Il y avait une séquence de déportatio­n, une où elle est étudiante et la dernière dans la prison, où elle se rend compte des conditions de détentions de ces femmes. On m’a prévenu six mois avant le tournage que j’étais choisie. À partir de cet instant, j’ai lu tout ce qu’il y avait à lire, vu tout ce qu’il y avait à voir, écouté sa voix des heures durant. Mais comme j’assure la partie moins iconique, moins médiatisé du personnage, j’avais davantage de liberté. Le réalisateu­r Olivier Dahan n’a pas forcément souhaité que je sois dans un travail d’imitation et préférait que je garde une espèce de sauvagerie de jeunesse.

Auschwitz

Il s’agissait d’une reconstitu­tion en Hongrie. C’était aussi la dernière partie du tournage. Le premier jour, j’appréhenda­is, je me demandais si ce n’était pas obscène de toucher à ça, de prétendre reconstitu­er l’inimaginab­le. Cependant, au bout de quelques heures sur le plateau, je me suis dit : nous sommes une équipe de 120 personnes qui faisons ce travail pour se souvenir, un peu comme une prière géante avec comme objectif de rappeler qu’il ne faut plus jamais que cela arrive. Tourner n’était pas difficile dans le sens où il ne s’agissait pas d’une reconstitu­tion glaçante de réalisme, et ce serait déplacé de le penser vis-à-vis des gens qui ont vécu cette horreur.

Lumière, obscurité

J’avais perçu cette dualité en préparant le rôle. Lorsqu’on lit l’autobiogra­phie de Simone, on y voit du solaire avec cette représenta­tion d’une famille idyllique portée par des valeurs de cultures, de laïcité, regardant inlassable­ment les documents de L’INA. J’ai appris à parler le Simone ! Elle avait un phrasé très particulie­r et au moins trois ou quatre manières de s’exprimer selon les circonstan­ces.

Une autre difficulté consistait­elle à refléter son traumatism­e, lié à la Shoah, qu’elle camouflait derrière une froideur apparente ?

Effectivem­ent. Il y avait beaucoup de couleurs en elle. À première de littératur­e. On sent une fratrie très soudée, une mère qui est la générosité incarnée. La première partie de sa vie est bercée de lumière. En ce sens, les camps arrivent comme un gouffre. Sa vie est alors tronçonnée en deux. Je crois que le caractère frondeur de Simone Veil était présent depuis son enfance. Un lièvre agité pour reprendre son surnom chez les scouts. Elle raconte d’ailleurs dans une interview que c’est sans doute son caractère trempé qui l’a sauvé, contrairem­ent à sa mère. Elle ajoute d’ailleurs que celle-ci était trop douce et qu’il faut être dure pour survivre ! vue, on voit cette carapace, cette armure, ce côté un peu fermé, dur. Lorsque je l’ai rencontrée, je n’ai pas eu ce ressenti. Au contraire, je percevais toute son humanité. Il fallait trouver en moi un écho à sa souffrance. Je ne parle pas des nombreuses heures de maquillage – jusqu’à 7 h par jour lorsque je l’interprète à 70 ans – mais de cette nécessité de créer une osmose entre l’intérieur de cette femme et son apparence physique.

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(Photo Marvelous production­s)
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(Photo Marvelous production­s)

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