Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
La semaine vagabonde de Denis Carreaux
Lundi
Désordre. Sale journée pour la Macronie, qui abordait déjà avec un brin d’appréhension ce lundi de rentrée parlementaire à hauts risques. En l’espace de quelques heures, deux proches du chef de l’état sont mis en cause par la justice pour des prises illégales d’intérêts. Le renvoi du garde des Sceaux Éric Dupondmoretti devant la Cour de Justice de la République constitue une demisurprise. Depuis le jour de sa nomination, l’ancien ténor du barreau est dans le viseur des magistrats, à l’origine d’ailleurs de la procédure qui le vise. Par la voix de leurs syndicats, ils se réjouissent d’emblée de la nouvelle de son renvoi qu’ils commentent abondamment, balayant au passage toute notion de présomption d’innocence. Peut-être encore plus embarrassante, la mise en examen du secrétaire général de l’élysée Alexis Kohler fait d’autant plus désordre qu’elle touche le plus proche collaborateur d’emmanuel Macron, surnommé « le vice-président ». S’il n’est contraire à aucune règle de droit, le choix de maintenir à leur poste les intéressés va clairement à l’encontre de la « République exemplaire » prônée par le chef de l’état.
Pas sûr que cette situation soit tenable sur la durée.
Lundi, bis. Indigestion. « Mangez vos morts ». C’est la sympathique invitation de la députée LFI Danièle Obono à ceux « qui instrumentalisent la lutte des femmes en Iran ». En ce jour de rentrée à l’assemblée, on comprend que les débats à venir seront d’un haut niveau. Et on frôle déjà l’indigestion.
Mardi
Grosse fatigue. Et si Sandrine Rousseau avait raison en invoquant (entre autres inepties), le « droit à la paresse » ? Une très sérieuse enquête de la Fondation Jean-jaurès nous apprend que les Français n’ont plus, mais alors vraiment plus, goût au boulot. Selon une étude Ipsos, seulement 24 % de nos semblables considèrent que le travail est « très important » dans leur vie. Ils étaient 60 % à le penser en 1990 ! Priorité à la vie privée, quête de sens, obsession du télétravail : le rapport à la vie
professionnelle est en train de changer du tout au tout. Au premier trimestre, et c’est un record, 520 000 Français ont abandonné leur travail, tandis qu’une nouvelle tendance fait des ravages dans les entreprises, celle de la
« démission silencieuse », consistant à en faire le moins possible.
Ne nous étonnons pas que la France continue à perdre des positions dans la compétition mondiale…
Mercredi
Très cher train. Jusqu’à 300 000 connexions simultanées : la ruée est telle, pour la mise en vente des billets SNCF pour les fêtes de fin d’année, que la plateforme de réservations n’y résiste pas, laissant à quai de nombreux candidats au voyage. Cette affluence, dix fois supérieure à l’an passé, est compréhensible. En ces temps de crise climatique et énergétique, il est à la fois logique et civique de préférer le train. Encore faut-il en avoir les moyens. Depuis cet été, la grogne monte face à la flambée des prix des billets qui n’incite pas à laisser la voiture au garage ou à renoncer à l’avion, souvent moins coûteux sur un Parisnice, par exemple. Quand on sait que la SNCF va sûrement rehausser
encore ses tarifs à l’automne en raison de l’augmentation du prix de l’énergie, on réalise que nous sommes bien partis pour ne rien changer à nos habitudes.
Jeudi
Pétrole et dépendance. Ceux qui se cassent les dents devant les stations Totalenergies ou y subissent les files d’attente à rallonge touchent très concrètement du doigt la fin de l’abondance. Lié à la fois aux grèves dans les raffineries et au succès de la remise supplémentaire accordée par le pétrolier, ce début de pénurie nous rappelle à quel point nous sommes dépendants du pétrole. Contrairement à ce que certains veulent nous faire croire, nous ne pouvons pas tourner si vite le dos aux énergies fossiles en abandonnant du jour au lendemain notre voiture au profit d’un vélo ou d’une trottinette. Si Total prend bien soin de verdir son discours et d’accélérer ses efforts en faveur des énergies renouvelables, le géant français continue à investir massivement sur l’or noir. On comprend pourquoi : la demande mondiale en pétrole devrait continuer à croître jusqu’en 2030 d’après l’agence internationale de l’énergie. La sobriété attendra.
« Selon une étude Ipsos, 24 % de nos semblables considèrent que le travail est très important dans leur vie. Ils étaient 60 % à le penser en 1990 ! »
Vendredi
Twittos sans cerveau. Le journaliste Claude Weill, à qui j’ai succédé aux commandes de cette chronique dominicale, annonce son retrait de Twitter. « Batailler contre la bêtise et la mauvaise foi, c’est bêcher la mer : ça use. La médiocrité des débats actuels m’a achevé ».
Claude, tes réflexions sur l’actualité et ta hauteur de vue vont nous manquer, mais tu ne peux pas savoir à quel point je te comprends. Face aux torrents de haine et à la malveillance, de plus en plus de twittos dotés d’un cerveau jettent l’éponge, comme toi. Ne resteront bientôt que les gazouillis débiles des complotistes, des manipulateurs, des bas de plafond, de Florian Philippot, de Sandrine Rousseau et de Cyril Hanouna.
Samedi
L’étincelle. Certains y voient un cadeau d’anniversaire pour les 70 ans de Vladimir Poutine et s’en amusent. L’explosion spectaculaire du pont de 19 km reliant la Russie à la Crimée ne prête pourtant pas à sourire. Elle pourrait bien constituer l’étincelle qu’attendait le maître du Kremlin pour exécuter sa menace de recourir aux armes nucléaires tactiques. « Nous essayons de comprendre quelle est la porte de sortie de Poutine », a confié jeudi le Président américain qui, impuissant, n’entrevoit pas la moindre solution et pointe un risque « d’apocalypse ». Pas vraiment rassurant.