Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
« La France fixe le prix des médicaments à un niveau trop bas»
Questions à Cyril Colombani, président de l’union syndicale des pharmaciens d’officine dans les Alpes-maritimes
Quels sont les médicaments concernés par des ruptures d’approvisionnement ou de stock ?
Ils sont nombreux. Les antibiotiques pour enfants par exemple, il n’y en a plus. L’advil pour enfants est en rupture depuis des mois. L’ultibro pour les patients qui souffrent d’une bronchopneumopathie chronique obstructive, on arrive à en avoir au compte-gouttes. Mais à qui on le donne ? Il faut qu’on choisisse nos patients maintenant ?
Quant aux produits pour la gestion de la glycémie type Ozempic, là, c’est le néant. On essaie de bricoler pendant un mois ou deux, ce qui choque les patients qui ne comprennent pas. Chez les patients âgés, toute modification ou manque génèrent un stress supplémentaire.
Quelles sont les conséquences pour la profession ?
Cette situation nous embolise de longues heures dans la journée pour vérifier la disponibilité d’un médicament, appeler le grossiste, arriver à joindre le médecin qui a fait la prescription, faire le point, trouver des solutions.
Comment en est-on arrivé là ? Nous avons le prix du médicament le moins cher d’europe et nous avons un gouvernement qui est schizophrène. Il veut réindustrialiser la France et que celle-ci soit autonome en production de médicaments, mais il fixe le prix des médicaments les plus courants en baissant le prix à un niveau qui ne permet plus aux industriels d’en fournir de façon correcte. Ils préfèrent livrer d’abord les pays qui paient mieux.
La France est servie en dernier.
Quelle serait la solution pour sortir de cette situation ?
La France est en retard sur la prévention. La prévention c’est du temps. Le temps que les pharmaciens passent aujourd’hui à chercher des solutions pour remplacer un médicament manquant pourrait être utilisé à faire de la prévention pour le dépistage du cancer colorectal,
Les pharmaciens sont vent debout l’article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale 2023. Que va-t-il se passer s’il est voté ?
L’article 31 ferait basculer la France dans le Tiers-monde médical. Si ça passe, ce sont des dizaines d’entreprises qui n’y résisteront pas. Un seul laboratoire, choisi par appel d’offres, sera remboursé : celui qui serait le moins disant. Or il y a plus de 20 laboratoires génériques qui existent. Déjà qu’on n’arrive pas à trouver de produits avec 20 laboratoires génériques, imaginez avec un seul. Les patients devraient se mobiliser car les premiers concernés ce seront eux.