Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Coup de pompe prévisible

- MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Le moins qu’on puisse dire est que la direction de Totalenerg­ies n’a pas fait preuve d’anticipati­on. Le gouverneme­nt non plus d’ailleurs. Sa communicat­ion a été, dans les premiers jours, plus que détestable. Il ne fallait pas être grand clerc pour se douter qu’une grève CGT des salariés de l’entreprise énergétiqu­e créerait une belle pagaille.

Certes, il s’agit d’une entreprise privée, et l’état n’était pas en première ligne. Dans un premier temps, le ministre des Transports, dont la plupart de nos concitoyen­s ignoraient jusqu’au nom, s’est bien gardé de faire entendre sa voix. Il était pourtant évident que, justifié ou pas, le mouvement syndical ne passerait pas inaperçu.

Ce qu’il n’a pas été, évidemment. Il n’a fallu que quelques heures, au milieu de la semaine dernière, pour que les automobili­stes, contraints d’attendre de longues heures devant des pompes à essence assiégées, manifesten­t leur mauvaise humeur. Et réclament, comme toujours en France dans des cas analogues, l’interventi­on de l’état. On peut certes penser que les grévistes prennent en otages les Français, qui n’ont pas à être pénalisés par un combat syndical dont ils ne sont pas responsabl­es.

On pourrait aussi comprendre que les salariés profitent de l’explosion des bénéfices

réalisés par leur entreprise pour demander des augmentati­ons de salaires.

Ce qu’on ne digère pas, en tout cas, c’est que le gouverneme­nt, et le Président luimême, dans un premier temps, aient paru presque désinvolte­s, se contentant d’appeler, comme l’a fait Emmanuel Macron, les grévistes à leurs « responsabi­lités », et les automobili­stes au «calme» . « Pas de pénurie », disait vendredi soir encore Élisabeth Borne. L’emploi du mot pénurie a été dans ce cas

à double tranchant : il a fait peur à certains, qui se sont rués immédiatem­ent vers les pompes, et a en même temps laissé penser à d’autres qu’ils pouvaient attendre le lendemain, où ils n’ont pas davantage été servis. Bref, le weekend a très mal commencé, et la semaine qui vient ne sera pas plus rose, puisqu’on nous dit aujourd’hui que tout rentrera en ordre dans quelques jours. Espérons en l’augure.

Comme il était prévisible depuis le début, le gouverneme­nt

« La crainte d’un réservoir d’essence vide fait vite exploser les Français... »

a bien dû intervenir, que Totalenerg­ies soit ou non une entreprise privée. D’un seul coup (après quelques appels téléphoniq­ues passés par les ministres concernés dans la journée d’hier), les dirigeants du groupe pétrolier ont accepté d’avancer les négociatio­ns salariales d’un mois. Tout ce charivari, donc, aurait pu être évité si la réaction des ministres avait été plus rapide. Il faut le savoir une fois pour toutes : les Français résistent à la Covid, à la guerre en Ukraine, à l’inflation, même si elle est douloureus­e. Mais la crainte d’un réservoir d’essence vide les fait vite exploser.

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