Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Coup de pompe prévisible
Le moins qu’on puisse dire est que la direction de Totalenergies n’a pas fait preuve d’anticipation. Le gouvernement non plus d’ailleurs. Sa communication a été, dans les premiers jours, plus que détestable. Il ne fallait pas être grand clerc pour se douter qu’une grève CGT des salariés de l’entreprise énergétique créerait une belle pagaille.
Certes, il s’agit d’une entreprise privée, et l’état n’était pas en première ligne. Dans un premier temps, le ministre des Transports, dont la plupart de nos concitoyens ignoraient jusqu’au nom, s’est bien gardé de faire entendre sa voix. Il était pourtant évident que, justifié ou pas, le mouvement syndical ne passerait pas inaperçu.
Ce qu’il n’a pas été, évidemment. Il n’a fallu que quelques heures, au milieu de la semaine dernière, pour que les automobilistes, contraints d’attendre de longues heures devant des pompes à essence assiégées, manifestent leur mauvaise humeur. Et réclament, comme toujours en France dans des cas analogues, l’intervention de l’état. On peut certes penser que les grévistes prennent en otages les Français, qui n’ont pas à être pénalisés par un combat syndical dont ils ne sont pas responsables.
On pourrait aussi comprendre que les salariés profitent de l’explosion des bénéfices
réalisés par leur entreprise pour demander des augmentations de salaires.
Ce qu’on ne digère pas, en tout cas, c’est que le gouvernement, et le Président luimême, dans un premier temps, aient paru presque désinvoltes, se contentant d’appeler, comme l’a fait Emmanuel Macron, les grévistes à leurs « responsabilités », et les automobilistes au «calme» . « Pas de pénurie », disait vendredi soir encore Élisabeth Borne. L’emploi du mot pénurie a été dans ce cas
à double tranchant : il a fait peur à certains, qui se sont rués immédiatement vers les pompes, et a en même temps laissé penser à d’autres qu’ils pouvaient attendre le lendemain, où ils n’ont pas davantage été servis. Bref, le weekend a très mal commencé, et la semaine qui vient ne sera pas plus rose, puisqu’on nous dit aujourd’hui que tout rentrera en ordre dans quelques jours. Espérons en l’augure.
Comme il était prévisible depuis le début, le gouvernement
« La crainte d’un réservoir d’essence vide fait vite exploser les Français... »
a bien dû intervenir, que Totalenergies soit ou non une entreprise privée. D’un seul coup (après quelques appels téléphoniques passés par les ministres concernés dans la journée d’hier), les dirigeants du groupe pétrolier ont accepté d’avancer les négociations salariales d’un mois. Tout ce charivari, donc, aurait pu être évité si la réaction des ministres avait été plus rapide. Il faut le savoir une fois pour toutes : les Français résistent à la Covid, à la guerre en Ukraine, à l’inflation, même si elle est douloureuse. Mais la crainte d’un réservoir d’essence vide les fait vite exploser.