Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Édouard Philippe, à la manière de VGE

- de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Alors que la guerre en Ukraine nourrit les inquiétude­s occidental­es et chamboule l’économie mondiale, que l’inflation flambe, que la crise énergétiqu­e s’installe, que la croissance s’effrite, Emmanuel Macron voit son autorité mise à mal par un phénomène politique nouveau. Comme il ne pourra pas se représente­r en 2027, le ballet des prétendant­s à sa succession a commencé sans qu’il puisse en être le chorégraph­e. La liste des futurs candidats ne cesse de s’allonger. Notamment dans la majorité, dont l’unité s’en trouve fragilisée. Dans le camp macronien, un homme a pris plusieurs longueurs d’avance sur tous ses rivaux potentiels : Édouard

Philippe. L’ancien Premier ministre est l’homme politique français le plus populaire mais, de toute évidence, il a appris du passé que cela ne suffit pas. En leur temps, Raymond Barre et Édouard Balladur en firent la cruelle expérience. Trop sûrs de leur fait, ils négligèren­t l’un et l’autre de rassembler autour d’eux une force militante. Certes, en 2017, Emmanuel Macron a démontré que l’on pouvait s’en passer, mais le paysage politique était alors en pleine décomposit­ion. Il l’est toujours, néanmoins Édouard Philippe a choisi de ne rien négliger. Redevenu maire du Havre après son licencieme­nt sans préavis de Matignon

le 3 juillet 2020, il n’a de cesse depuis de construire une formation indépendan­te au sein de la majorité. Premier bras de fer avec le chef de l’état. Il l’a gagné ! Son parti, Horizons, a ses propres députés (29 élus), qui ne sont pas des godillots. Homme de terrain, Édouard Philippe s’appuie aussi sur un réseau de 500 maires et 500 comités municipaux. Bref, il construit un maillage à travers le pays de plus en plus visible : le dimanche, les 19 324

adhérents d’horizons tractent désormais sur les marchés. À l’évidence, il s’inspire ainsi d’un de ses grands aînés de droite : Valéry Giscard d’estaing. Comme VGE avec de Gaulle, il pratique la tactique du

« oui, mais ». Il se dit

« loyal » envers le Président, tout en se démarquant sur presque tous les sujets. À propos de l’âge de la retraite, il fabrique même un casus belli en plaidant ouvertemen­t pour son report à 65, 66 ou 67 ans. À bien des égards,

« Son parti, Horizons, a ses propres députés, qui ne sont pas des godillots. »

Horizons rappelle également Les Républicai­ns Indépendan­ts de VGE, un parti de notables à la fois petit et très agile. À l’image de Giscard encore, qui laissa passer son tour lors de la présidenti­elle de 1969, le maire du Havre est resté sur la touche élyséenne au printemps dernier. En fait, avec patience, sans jamais lever le pied, il met en place un scénario qui lui permettra, si nécessaire, de rompre avec Emmanuel Macron sur un désaccord qu’il aura lui-même fomenté. À la manière toujours de Giscard quand, en 1974, il se dressa contre Jacques Chaban-delmas, le candidat des gaullistes, jusqu’alors ses alliés.

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