Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
« Les notaires font face à un enjeu inédit »
Pour Me Nicolas Meurot, président de la Chambre des notaires des Alpes-maritimes, « la valorisation et la transmission du patrimoine dans le monde numérique est un sujet très présent dans les réflexions juridiques et opérationnelles des notaires. Immobilier, famille, entreprise, tous les champs d’intervention sont concernés. Particulièrement lors du décès d’une personne dont on sait qu’elle possédait des actifs numériques, ou du moins des données numériques, comme 58 millions de Français. La jurisprudence aura bien entendu à se prononcer dans les années à venir. » Les notaires se mettent à la page à travers des masterclasses et autres formations. La Chambre des Alpes-maritimes a même mis en place un projet triennal de recherches et de formation sur le sujet des actifs numériques dans le notariat d’aujourd’hui.
Quelle est la difficulté dans la transmission des actifs numériques ?
La difficulté apparaît lors du recensement des éléments du patrimoine du défunt. Ce qui est une des missions essentielles du notaire quand il est saisi d’une succession. L’« actif » numérique est à la fois incorporel et dispensé de toute obligation déclarative. S’il n’a pas été révélé au fisc ou signalé à l’entourage par son propriétaire, il peut disparaître de l’héritage !
Faut-il désigner un administrateur pour un site que le défunt veut faire vivre au-delà de sa mort ?
En raison du caractère intangible et potentiellement inconnu des actifs numériques, il est recommandé, à l’instar des directives anticipées de fin de vie, de signaler ses volontés, par exemple de voir un site internet « personnel » perdurer. Il est conseillé de faire état de son patrimoine numérique, et de conserver ce bilan en « lieu sûr », accessible à ses héritiers.
Cet inventaire peut être intégré au testament, mais d’autres solutions voient le jour, comme l’outil Ficonot, accessible via son compte France Connect.
Est-il nécessaire d’indiquer les codes d’accès aux ordinateurs du défunt dans le testament ?
Si le défunt n’a pas laissé quelque part indiqués ses codes d’accès à son ordinateur, les héritiers auront les plus grandes peines à avoir accès aux données personnelles des comptes de réseaux sociaux, par exemple, et éventuellement aux actifs numériques. Musiques, films, compte de cryptomonnaies, livres numériques… Tout peut être perdu ! Pour autant, les mots de passe et codes utilisateurs ne doivent être inscrits au bilan de patrimoine numérique que si ce dernier est conservé dans un endroit sécurisé : le testament, par exemple, ou un coffre-fort.
Comment est estimée la valeur des biens numériques ?
Après la difficulté d’inventaire de ces actifs, vient le second obstacle pour le notaire : la forte fluctuation de valeur des actifs numériques. Le risque est l’iniquité pour les héritiers et la requalification par l’administration fiscale. Des solutions se dessinent : attributions divises sans conversion pour les cryptomonnaies, référence par cotation moyenne, ou valorisation de la plateforme sur laquelle la cession a eu lieu pour les NFT… Mais les notaires font face à un enjeu inédit, celui de l’identification et de la qualification de ces nouveaux actifs familiaux numériques.