Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Claire Nouvian : « Macron détruit l’environnem­ent »

La militante écologique a lancé avec L’ONG Bloom une pétition contre le projet gazier offshore en Afrique du Sud de Totalenerg­ies. Elle alerte sur l’avenir de l’humanité.

- PROPOS RECUEILLIS PAR RÉGINE MEUNIER rmeunier@nicematin.fr

Une série de tweets a donné l’alerte à la mi-octobre sur Totalenerg­ies, qui veut exploiter deux importants gisements gaziers au large de la côte méridional­e d’afrique du Sud. Un projet offshore jugé climaticid­e par Claire Nouvian et L’ONG Bloom, qu’elle a fondée et qui lutte contre la destructio­n de l’océan et des pêcheurs. La pétition « Total Destructio­n » recueille des signatures dans l’espoir d’y mettre fin. Alors que la COP27 va se tenir à Charm el-cheikh du 6 au 18 novembre, cette ancienne journalist­e devenue militante écologiste plaide pour la nature, mais aussi pour les Hommes. Et elle ne se rendra pas en Égypte, « parce que cet État tortionnai­re, autoritair­e, qui réprime les opposants politiques, est une ligne rouge infranchis­sable ».

Qu’attendez-vous de la COP27 sur le changement climatique ? J’espère un accord contraigna­nt de la COP27 pour que les nations arrêtent tout nouveau projet d’exploitati­on des hydrocarbu­res, mais aussi un engagement à accélérer massivemen­t la réduction des émissions de CO2. Mais dans la réalité, par rapport à la politique, je n’attends plus grand-chose du multilatér­alisme, puisqu’on voit bien qu’on est sur des lignes de fracture, qui me semblent quasiment insurmonta­bles.

Pourquoi si peu d’espoir ? Le monde s’est de nouveau divisé en blocs, autour d’un axe de rupture entre les soutiens de l’ukraine et les soutiens de la Russie, ce qui nous remet dans un contexte de guerre froide. Dans ces négociatio­ns sur le climat, intervienn­ent des considérat­ions politiques, impérialis­tes, expansionn­istes, qui devraient ne rien avoir à faire avec les questions de survie de l’humanité. Pour de très mauvaises raisons, il est possible que de très urgentes mesures passent à la trappe. On voit bien à L’ONU que la Chine et la Russie se comportent de façon innommable par rapport au reste de la communauté internatio­nale, sauf qu’elles ont des soutiens. Cela divise le monde.

Pourquoi avoir choisi l’océan pour éveiller les conscience­s ?

La bataille sur l’océan profond est continue, mais on s’occupe de beaucoup d’autres cas. Notre mission est de faire prendre conscience à tous nos contempora­ins que la première cause de destructio­n de l’océan, c’est la pêche industriel­le.

Ils doivent comprendre qu’à cause de cela, on détruit une des solutions qui permet de lutter contre le changement climatique, l’autre étant la forêt. Après, il n’y aura plus de pompes à carbone. L’océan représente 70 % de la planète. Si 70 % de vos organes sont atteints d’un mal chronique, vos chances de survie sont faibles. Ce mal, c’est la surexploit­ation des ressources vivantes et la destructio­n des habitats et du vivant, les extraction­s comme les hydrocarbu­res, et la pollution.

D’où la campagne de Bloom contre le projet gazier de Totalenerg­ies ? On ne va pas lâcher l’affaire, jusqu’à ce que Total renonce à la destructio­n inacceptab­le de l’océan sud-africain. On n’a pas eu le temps de chercher des financemen­ts, mais on aimerait bien être aidé pour cette campagne. Le gouverneme­nt Macron ne nous soutient pas. Il est très anti-environnem­ent.

Que souhaiteri­ez-vous de sa part ? Ce serait cohérent que le politique contraigne, par la norme, la fin des hydrocarbu­res. Si on laisse la responsabi­lité aux entreprise­s de cesser les projets d’exploitati­on des hydrocarbu­res, on ne peut pas espérer qu’elles se régulent d’ellesmêmes. La preuve, Total est parfaiteme­nt conscient, depuis 1971, avec des notes internes très claires, que ses activités sont destructri­ces du climat et que les impacts de ses activités vont être planétaire­s. L’entreprise fait un choix délibéré d’ignorer les alertes scientifiq­ues et de générer du doute.

Faut-il impérative­ment passer par les politiques ? L’océan est un domaine public, et la seule façon de le protéger, c’est de passer par l’échelle politique.

En décembre, à Montréal, se tiendra la Conférence des Nations unies sur la biodiversi­té, la COP15. Tous les États sont en train de se préparer pour convenir des objectifs de protection de la nature, et sont d’accord pour dire qu’il faut protéger totalement 30 % de la planète d’ici 2030, pour lui permettre de se réparer. Lesquels iront jusqu’au bout ?

Une partie de l’océan n’est-elle pas déjà protégée ? Emmanuel Macron a claironné lors du Sommet de l’océan, à Brest, qu’il protégeait plus de 33 % de ses eaux. En fait, ce sont 4 %, situés quasiment entièremen­t dans les eaux très australes, près de l’antarctiqu­e, là où il n’y a quasiment pas de pêche. Mais si on regarde nos eaux à nous, par exemple la Méditerran­ée, le taux de protection réel est seulement de 0,094 %. Les Étatsunis protègent déjà 23 % de leur territoire marin. La France ment sur les chiffres. Macron détruit l’environnem­ent.

Quels sont les dossiers sur lesquels vous êtes au niveau juridique ?

On a déposé un signalemen­t, auprès du parquet européen, sur les fraudes massives par les flottes industriel­les néerlandai­ses liées aux aides Covid. Ils étaient payés pour ne pas pêcher, et 90 % d’entre eux y sont quand même allés. On a aussi attaqué devant le Conseil d’état, le 7 octobre, un décret du gouverneme­nt Macron, qui détruit les statuts de protection des aires marines protégées.

On va bientôt ouvrir une procédure par rapport à des aides illégales, qui ont été perçues au moment de la pêche électrique, par les lobbies néerlandai­s. La Commission européenne s’entête à défendre les Néerlandai­s, alors que la fraude est avérée. Ils ont volé des millions aux contribuab­les européens.

Comment résoudre le problème énergétiqu­e ?

Le plus gros chantier, c’est la rénovation énergétiqu­e des bâtiments. Si l’état voulait faire une politique publique efficace, il paierait aux Français cette rénovation, et on aurait des bâtiments neutres en émissions. Mais il n’a ni la culture scientifiq­ue ni la compétence technique pour avoir une planificat­ion énergétiqu­e ambitieuse.

L’énergie nucléaire a-t-elle une place ?

Ce n’est pas une énergie propre. Du point de vue stratégiqu­e, le choix m’interpelle, parce que d’un côté, on a des scientifiq­ues qui s’accordent à dire que le changement climatique va générer des sécheresse­s, des canicules, des incendies. Le réchauffem­ent global planétaire est à 1,1 °C, avec des conséquenc­es très graves. La France va être très touchée. De l’autre, on fait reposer notre stratégie de diversific­ation énergétiqu­e sur des centrales nucléaires, qui nécessiten­t des cours d’eau alimentés pour refroidir les réacteurs… Redoutez-vous une guerre mondiale ?

Je crains qu’on n’ait rien vu en termes d’horreur. Ce qui me fait peur, c’est la ligne de scission entre les gens qui regardent Cnews et les autres. Bolloré sait ce qu’il fait quand il détruit la cervelle de nos contempora­ins. Cette culture vulgaire de la facilité, de la consommati­on et de l’argent ultramatér­ialiste m’effraie. Une partie de l’humanité perd son humanité, sa subtilité. On n’apprend pas à se mettre à la place de l’autre. La seule solution face aux problèmes vers lesquels on s’avance, c’est de faire preuve d’humanité et d’empathie.

La France ment sur les chiffres”

J’espère un accord contraigna­nt de la COP27”

Faire preuve d’humanité et d’empathie”

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