Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Le migrant, toute une histoire
Le migrant a eu de tout temps la bougeotte. Quelques jours lui suffisent aujourd’hui pour traverser la Méditerranée à bord d’un rafiot après avoir payé des passeurs sans scrupule. Déjà à la préhistoire, il ne tenait plus en place en Afrique. À l’époque, il avait eu besoin de quelques millions d’années pour trouver le chemin de la sortie et quitter le « berceau » de l’humanité. Les premières traces d’homo erectus en dehors de l’afrique remontent à moins de deux millions d’années.
Elles ont été découvertes en Chine. De nos jours, les migrants ne prennent plus la direction de l’empire du Milieu. Impossible de franchir la Grande Muraille et, surtout, d’obtenir un agrément des autorités. Notre ancêtre direct Homo sapiens a pris son bâton de pèlerin il y a plus de 100 000 ans, quittant l’afrique pour l’europe et l’asie. Il reprendra son souffle pendant quelques dizaines de milliers d’années avant de mettre un pied en Amérique. Très longtemps avant le film d’elia Kazan, America, America, et l’histoire de ces émigrants européens qui ont peuplé les Etats-unis aux XIXE et XXE siècles, chassés de leur pays par la misère ou la dictature. Les Indiens en ont été pour leur frais.
Le grand remplacement n’a pas traîné, à coups de fusil, dans le Far West.
L’émigrant a longtemps tracé sa route lexicale jusqu’à ce qu’il soit victime d’une apocope. Avec une lettre en moins, le migrant n’est souvent plus le bienvenu. Pire, il risque de devenir un sans-papiers. En France, l’émigrant avait, depuis longtemps, cédé sa place à l’émigré ou à l’immigré, selon qu’il quittait son pays d’origine ou qu’il arrivait à destination.
Les travailleurs immigrés ont depuis toujours été vus d’un bon oeil par le patronat, parce qu’ils occupent les emplois les plus rudes et les moins bien payés, boudés par les autochtones. La liste s’est allongée et le gouvernement, qui manie l’euphémisme, parle aujourd’hui de « métiers en tension ».
Les tensions autour des immigrés ne datent pas d’hier. Ils ont rarement été accueillis à bras ouverts. Les enfants nés en France,
« A la préhistoire, le migrant ne tenait déjà plus en place en Afrique. »
avant ou pendant la guerre, de parents italiens se souviennent d’avoir été traités de « macaroni » par leurs camarades de classe. Mais la volonté d’intégration était la plus forte chez ces fils et filles d’italiens, de Portugais, d’espagnols ou de Polonais.
Cette assimilation a-t-elle atteint ses limites avec l’arrivée en masse de populations africaines, notamment maghrébine de religion musulmane ? C’est ce que pense une partie des Français qui se désolent de certaines dérives communautaristes et de la hausse des atteintes aux principes de laïcité. Un récent sondage indique que 67 % des personnes interrogées veulent une politique migratoire plus sévère.
Cette crainte, vraie ou fantasmée, de perdre son identité, qui touche peu ou prou tous les pays occidentaux, mérite de ne pas être prise à la légère. Ces citoyens ayant eux aussi le sentiment qu’on les mène en bateau depuis quelques années.