Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Six raisons de ne pas succomber à la tentation

- V. R.

Originaire de Vence, Victoire Satto a cofondé, avec son frère Thibault “The Good Goods”, le premier média en ligne dédié à la mode éthique et responsabl­e. Elle explique pourquoi il vaut mieux ne pas se laisser tenter par le Black Friday et pourquoi il faut le faire savoir.

1 De fausses bonnes affaires

Les marques bradent des produits jusqu’à 90 % mais restent bénéficiai­res. « Ça fait réfléchir, car toute l’année on paye des produits à des coûts exorbitant­s », lâche Victoire

Satto. « Elles font des économies d’échelle en produisant en très très grande quantité, ce qui coûte moins cher. Les revenus modestes vont avoir l’impression de faire des affaires. » L’UFC-QUE Choisir alerte sur

« les nombreuses arnaques et fausses promos » et dénonce des annoncent de réduction très importante­s sans justifier du tarif initial de l’article. En 2020, l’associatio­n dénonçait un « tour de passe-passe invisible, qui permet de vendre les mêmes produits aux mêmes prix, tout en leur faisant croire à une bonne affaire ». En 2018, l’associatio­n avait suivi les prix de dizaines de milliers de produits, 28 jours avant le Black Friday. Résultat : 8,3 % des produits avaient vu leur prix réellement baisser.

2 Des produits peu durables

Au-delà du prix payé au moment de l’achat, il existe un surcoût lié à l’usage : « Les enseignes de fast fashion produisent, affirme la cofondatri­ce de The Good Goods, des collection­s dédiées aux périodes de soldes et aux Black Fridays. Des produits très peu qualitatif­s qu’on ne pourra porter que quelques fois. »

Raison pour laquelle « les plus pauvres ne peuvent pas s’acheter de la fast fashion : parce que ce ne sont pas des produits durables, qu’il va falloir remplacer rapidement ».

3 De la surconsomm­ation

Ni besoin, ni envie. Les étiquettes “-50 %”, “2 pour le prix d’1” ou “le 3e offert”, déclenche une impulsion d’acheter encore et encore. C’est Patrice Duchemin, sociologue de la consommati­on, qui le dit. Victoire Satto analyse à son tour : « Un peu comme dans les foires, d’où on revient avec des tas de choses qui vont rester dans les placards : on vous fait croire que vous avez besoin de quelque chose alors que non, que c’est une bonne affaire alors que non seulement vous n’avez pas besoin de dépenser cet argent mais qu’en plus vous allez mal le dépenser. »

4 Peu de satisfacti­on

« Des études sur le phénomène d’obsolescen­ce psychologi­que et émotionnel­le démontrent que les expérience­s rendent plus heureux que les possession­s ». Victoire Satto est convaincue que « si notre société est en perte de lien social, c’est parce qu’on est dans une quête matérielle perpétuell­e et qu’on nous apprend que le bonheur est directemen­t corrélé à la capitalisa­tion financière ou matérielle. La fast-fashion, c’est comme le fast-food : ça passe vite, ça laisse un goût désagréabl­e dans la bouche et la satisfacti­on est extrêmemen­t rapide. Pourquoi pas faire des opérations black friday culturel ? »

5 Un bilan pour l’environnem­ent catastroph­ique

Sur l’environnem­ent, l’impact de la surproduct­ion est nocif sur toutes les étapes du cycle de vie d’un

produit. « Qu’il s’agisse d’un teeshirt ou d’une machine à laver, il faut extraire des matières premières pour les fabriquer : globalemen­t, beaucoup de plastique et de ma

tière synthétiqu­es. » Cette fabricatio­n nécessite de l’énergie. « La manufactur­e repose sur des mix énergétiqu­es très carbonés, à base de charbon et de gaz. » Viennent après les phases de transport, puis de consommati­on qui, souvent, ne durera pas longtemps avant la fin de vie des produits, « tout aussi dramatique parce qu’ils sont très peu recyclable­s ».

Or, dans l’objectif de juguler le réchauffem­ent climatique à 1,5° degré maximum d’ici à 2050, « il faut diviser par trois la quantité d’énergie qu’on consomme dans tous les domaines et donc aussi réduire la quantité de choses qu’on produit et qu’on achète ». Pour Victoire Satto, « le Black Friday par définition, c’est le contre-pied total de ce qu’il faut faire pour lutter contre le réchauffem­ent climatique ».

6 Un impact social dramatique

La question sociale est tout aussi catastroph­ique. La cofondatri­ce de The Good Goods rappelle en effet que « 90 % des vêtements produits dans le monde le sont en Asie, majoritair­ement en Chine ou au Bangladesh ». Dans ces pays, dit-elle, « on appelle la période qui précède les Black Friday, la “black season”, parce que ce sont des semaines pendant lesquelles les conditions de travail s’intensifie­nt drastiquem­ent sans changement de salaire ».

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