Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Est-ce que ce monde est sérieux ?

- de STÉPHANIE MAYOL Rédactrice en chef edito@nicematin.fr

« Je les entends rire comme je râle et je les vois danser comme je succombe, je pensais pas qu’on puisse autant s’amuser autour d’une tombe. » Est-ce que ce monde est sérieux ?, s’interrogea­it ensuite Francis Cabrel dans sa chanson... La Corrida. Nous sommes en 199394. Ce puissant plaidoyer contre la tauromachi­e dans lequel l’artiste prend la place de l’animal émeut, sans pour autant porter la question plus loin que quelques conciliabu­les de comptoir entre les « pour » et les « contre » de l’époque. Vingt-huit ans plus tard, les banderille­s sont toujours sorties mais le combat se joue désormais dans l’arène parlementa­ire. Sans tomber dans l’anti-spécisme radical, de nombreuses voix s’élèvent, mais les « olé ! », cette fois, ne sont pas pour acclamer le torero. L’amendement « anti-corrida » du député de la Nupes Aymeric Caron, qu’il soit voté ou pas ce jeudi, transcende les partis politiques, divise au sein même des différents groupes siégeant au Palais Bourbon. Et a le mérite d’ouvrir le débat, certes on ne peut plus clivant. Faut-il maintenir ce spectacle, que certains qualifient sans trembler de barbare, au nom de la tradition ? Faut-il interdire cette pratique et tomber dans ce que d’autres considèren­t comme une forme de cancel culture, cette fameuse culture de l’oubli ? En Espagne, la Catalogne a pris le taureau par les cornes en proscrivan­t la corrida. Tout un symbole.

En France, si 74 % des sondés se disent favorables à son interdicti­on dans une enquête d’opinion Ifop / JDD publiée le 17 novembre, le pouvoir politique semble largement plus frileux pour lui porter l’estocade. D’autant que la nuance est difficile à trouver sur ce thème. Dans le même sondage, son remplaceme­nt par des courses camarguais­es ou landaises est

(1) encouragé par 76 % des interviewé­s. Une piste vers l’apaisement ? Rien n’est moins sûr. Trouver le juste équilibre reste chancelant et tout cela démontre, si c’était encore nécessaire, qu’une véritable réflexion – la plus sereine possible – doit être engagée sur le sujet. Car à l’heure où le bien-être animal fait grandement partie des préoccupat­ions, le spectacle d’un être vivant, aussi imposant soit-il, mis à terre et à mort par la main de l’homme à de quoi interroger ce monde... pas vraiment sérieux ?

1. Dans lesquelles il n’y a pas de mise à mort de l’animal, ni au cours de la course ni après.

« En Espagne, la Catalogne a pris le taureau par les cornes en proscrivan­t la corrida. Tout un symbole. »

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