Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
À Nice, un an ferme pour apologie du terrorisme
Un Tchétchène publiait sur son compte Instagram, suivi par 18 000 followers, des contenus appelant au djihad. Il a été condamné hier à un an de prison ferme
Son compte Instagram avait attiré l’attention des autorités. Abdul-kadyr Abuev, Tchétchène de 31 ans, installé à Nice, publiait des contenus inquiétants. Notamment en janvier 2022. Il y diffusait entre autres un entretien entre un blogueur tchétchène et le père d’abdoullakh Anzorov.
Référence au père d’un assassin
Anzorov ? Ce n’est autre que l’assassin de Samuel Paty. Dans l’extrait, le père du terroriste «se dit satisfait de ce qu’a fait son fils, en expliquant qu’il était parti en défendant l’honneur de tous les Tchétchènes et de tous les musulmans du monde », commente le président du tribunal correctionnel de Nice, Hicham Melhem. Dans le box, Abdul-kadyr Abuev ne moufte pas. Brun, barbu, veste de sport aux trois bandes, jean délavé, il ne laisse transparaître aucune émotion. Dans la salle, des Tchétchènes sont là, dont sa femme, en tenue musulmane d’où seuls le visage et les mains émergent.
Des vidéos de combattants
Sur son compte, qui a publié de novembre 2021 au 19 octobre dernier, jour de son arrestation, ont été repostées des vidéos de combattants de l’état islamique tirant à la kalach’. Le tout sur fond musical de nasheed, des chants religieux musulmans, et d’appel à la mort des mécréants. En commentaire, sous une de ces vidéos, Abdul-kadyr Abuev a posté deux lettres « HH ». Il prétend qu’il aime aligner des lettres ainsi au hasard. Guère convaincant.
Le procureur le relève, « 19HH » était à une époque le principal canal français d’embrigadement djihadiste. Il a été créé par Omar Diaby, un Niçois, franco sénégalais, également connu sous son pseudonyme d’omar Omsen. Il est à l’origine de départs de centaines jeunes français, dont nombre d’azuréens, pour le Djihad.
Il nie en bloc
Face aux questions du président du tribunal, Abdul-kadyr Abuev nie tout. Il dit ne pas connaître l’actualité, tout ignorer de Samuel Paty et même des attentats qui ont secoué Nice. Y compris celui de la cathédrale Notredame. Il était pourtant déjà installé dans la capitale azuréenne. « Si ce que vous dites est vrai, vous êtes le seul Niçois à ne pas être au courant de ces faits-là », ironise le procureur. « Tout ce que je poste sur Instagram, c’est parce que je suis contre la Russie, affirme le prévenu. Ils font la guerre en Ukraine, ils tuent femmes et enfants. Comme ils l’ont fait chez nous, en Tchétchénie. (...) C’est pour cela que je suis venu demander de l’aide dans votre pays. Je n’ai rien contre la France, je veux vivre ici. »
« Redoutable adhérent de l’islam radicaliste »
Le procureur, Sandra Verbrugghen, n’y croit pas une seconde. « À trop en faire dans la dénégation pour s’écarter de ces sphères, il tombe dans l’absurdité. Absurde quand il dit qu’il a écrit ces lettres par hasard. Absurde quand il dit qu’il trouve les chants (les nasheed, ndlr) mélodieux. » Pour elle, se cache derrière le prévenu dans le box « un redoutable adhérent de l’islam radicaliste ». Le procureur estime que la publication de ces vidéos, «à la gloire de l’état islamique, avec un caractère rigoriste très marqué, pour ne pas dire extrémiste », n’est pas accidentelle.
« Pour alerter les parents »
Le prévenu, qui a fait une demande de réfugié politique, après un passage en Allemagne, se déclare SDF et dit toucher 400 euros par mois de l’état en attendant qu’une instance ne se prononce. Son avocate, Niçoise, a plaidé une simple peine d’avertissement pour cet homme sans casier, soudeur de formation, de la « Tchétchénie profonde. » Elle affirme, comme son client, que s’il a publié une vidéo de l’entretien avec le père du terroriste qui a tué Samuel Paty, c’était « pour alerter les parents, de leur dire de ne pas se faire embrigader. »
Le tribunal l’a finalement condamné à un an de prison – deux avaient été requis – avec interdiction définitive de territoire français. Le maintien en détention a été prononcé.
À l’énoncé du jugement, le prévenu n’a pas bronché. Seulement entendait-on dans la salle les pleurs de sa femme, enceinte de leur troisième enfant.