Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

« Je n’ai plus envie de calculer »

Matthieu Bailet attaque aujourd’hui la saison de la Coupe du monde, à Lake Louise. Le Niçois est très ambitieux et espère retrouver les podiums mondiaux cette saison.

- ROMAIN LARONCHE

Matthieu Bailet aurait dû lancer sa saison à Zermatt fin octobre. Mais un manque de neige a repoussé la reprise d’un petit mois pour les descendeur­s. De passage quelques jours chez lui à Nice, juste avant la date suisse, le Niçois n’avait pas caché ses ambitions. A 26 ans, le skieur veut frapper fort.

Vous vous sentez prêt ?

Je me sens bien. Il n’y a pas eu de gros souci physique pendant ma préparatio­n. C’est une bonne chose. Il y a eu beaucoup de charges de travail. On a gardé le même préparateu­r physique que l’an passé (Patrice Paquier). On a une année d’expérience ensemble, on a pu aller plus loin, on était plus précis. On a eu la chance de faire un bon stage en Amérique du Sud (avec notamment trois courses au Chili). Et sur les skis, ça va bien, je suis prêt à attaquer.

Vous attaquez la saison avec une vraie préparatio­n, et sans blessure (l’an passé il s’était fracturé l’avant-bras en septembre)...

Ça, c’est vraiment cool. Malgré les accidents et les incidents des saisons dernières, j’ai quand même réussi à être plus stable physiqueme­nt. Il y a une progressio­n.

Vous êtes passé de Salomon à Head à l’intersaiso­n.

Pour quelles raisons ?

Ça a été un gros chamboulem­ent, mais dans le bon sens. Salomon voulait me garder et Head me recruter. Changer, ça a été la décision la plus marquante de ma carrière. Toute ma préparatio­n a été différente. Le premier jour sur mes nouveaux skis, au printemps, j’avais l’impression de ne pas savoir skier. Mais le but, c’était d’essayer d’aller plus loin. J’ai envie que ce changement m’apporte. Au niveau du matériel, mais aussi du soutien, de l’encadremen­t. Et il y avait une dimension d’air frais. Je voulais casser ma routine. Mentalemen­t, ça m’a fait du bien, ça se passe bien à l’entraîneme­nt, mais la vérité viendra des résultats pendant ma saison.

Est-ce qu’il va y avoir une période de rodage en ce début de saison ?

Je ne l’attends pas, mais je suis prêt à l’accepter parce que c’est la première fois de ma carrière que je change de matériel. Il y a plus d’histoires de skieurs qui ont eu du mal dans un premier temps que d’autres pour qui ça a souri dès la première course. Mon objectif, c’est que ce temps d’adaptation soit le plus court possible.

La saison dernière, malgré les pépins physiques, vous avez terminé 13e en Super-g et 28e en descente. En mars, vous estimiez pouvoir « construire dessus »... Cette blessure au mois de septembre (fracture de l’avant-bras), ça a été le facteur le plus important. Je n’ai pas pu laisser le temps nécessaire et ça a tronqué ma préparatio­n. Ça m’a posé des problèmes pendant l’hiver et je suis content d’avoir obtenu de très bons résultats malgré tout ça. Je suis passé juste à côté de résultats géniaux. Quand je termine 6e (Courchevel et Bormio), 7e (Lake Louise et Beaver Creek), c’est toujours avec une erreur au milieu, sinon je jouais le podium. C’est ce qui est positif : sentir que je joue avec les meilleurs, même s’il faut rectifier quelques erreurs. Le ski est là, mais c’est de plus en plus dur de grappiller des places. Quand tu te retrouves dans les 10-15 meilleurs mondiaux, ça se joue sur de petits détails. Je dis que je peux construire sur cette saison, car j’ai pris de l’expérience, notamment en participan­t à mes premiers Jeux Olympiques, mais aussi avec ces hauts et ces bas, de bons résultats et des chutes. J’arrive à un moment de ma carrière où ça commence à faire un bon bagage d’expérience­s. A moi de me servir de tout ça, pour aller chercher devant.

Vous êtes vous fixé des objectifs précis ?

Ils sont très clairs. Audessus, il y a les mondiaux à Courchevel en France, sur une très belle piste. L’objectif sera d’aller chercher une médaille. Pour la Coupe du monde, je n’ai plus envie de calculer le nombre de points, regarder le classement. J’ai connu mon premier podium en Coupe du monde il y a deux saisons, je veux revivre ces émotions-là. J’ai envie de nouveau de porter haut les couleurs de mon pays, de ma ville, de mon sport de mon groupe. J’ai entendu la Marseillai­se en étant champion du monde Junior, mais jamais sur une Coupe du monde... Aujourd’hui, j’ai assez d’expérience, le ski est là, donc l’objectif est de jouer devant. Bien sûr, il va y avoir des erreurs et des déceptions, mais je n’ai pas envie d’être juste bien classé.

Quitte à prendre plus de risques ?

Plus, je ne pense pas, parce que j’en prends déjà assez (rires). Mais je veux maintenir cet engagement, cette prise de risques, cette folie avec de la lucidité. Pour que ça paye. J’arrive à le faire sur certains intermédia­ires, mais il faut le faire sur l’ensemble de la course. Après, je sais qu’il y a des pistes qui me conviennen­t plus que d’autres. Sur certaines, je serai satisfait d’un « top 15 », sur d’autres je serais très frustré.

Plus c’est dangereux, meilleur vous êtes ?

Oui, plus c’est dangereux, plus j’aime ça.

C’est aussi une question de poids (certains descendeur­s dépassent les 100 kg) ?

Ce n’est pas une question de poids, c’est instinctif. Je ne peux pas penser comme ça, et on voit bien que Marco Odermatt (1m84 pour 82 kg) y arrive. Depuis un an, je me suis stabilisé à 93-94 kg pour 1m83. Je me sens bien comme ça. Il faut être fort, lourd, mais il faut savoir bouger. Etre réactif, explosif, mobile.

Johan Clarey continue à bientôt 42 ans, mais est-ce que vous êtes devenu le leader de l’equipe de France ?

Non, il y a une hiérarchie et par son ancienneté, ses résultats, c’est toujours Yo le leader. Mon but, c’est de le pousser vers la sortie mais avec énormément de bienveilla­nce. On a une relation magnifique. Il me tire et je le pousse. Y’a le petit jeune qui l’incite à aller plus loin et ça nous sert à tout les deux. Mais c’est vrai que je n’ai plus la même position qu’il y a un an ou deux.

Cet été, le changement climatique s’est violemment invité dans notre quotidien. Quel est votre regard, vous qui pratiquez une discipline qui pourrait être menacée à moyen terme ?

De manière violente, pas pour nous. Pour le glacier des 2 Alpes, la catastroph­e n’est pas arrivée cette année. Entre mes premiers stages là-bas il y a une quinzaine d’années et aujourd’hui, chaque année, il évolue, avec la fonte de la glace. C’est très bien qu’on en parle plus, que ça fasse un peu paniquer car c’est important. Pas que pour notre sport, ça touche tout le monde. Nous qui avons besoin de froid et de neige, on voit tout de suite l’impact. Il faut prendre un virage pour aller dans le bon sens, mais notre milieu a déjà bien évolué. La neige de culture, ce n’est plus de la neige artificiel­le. Il n’y a plus de produit chimique dedans, c’est réglementé. C’est l’eau de la fonte des neiges qui est utilisée et ensuite elle retourne dans les sols.

Lake Louise

Descente aujourd’hui (20h30), Super-g demain et dimanche à 20h30.

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Changer (de Head à Salomon), ça a été la décision la plus marquante de ma carrière. Toute ma préparatio­n sur a été différente. ”

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(Photo Cyril Dodergny) Fin octobre, Matthieu Bailet est venu se ressourcer trois jours chez lui à Nice.

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