Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

« Le village a rattrapé son retard d’infrastruc­tures »

Entre ville et campagne, Falicon inspire la quiétude. Troublée par la pression foncière et de récentes dissension­s municipale­s. « Sans stress », Anaïs Tosel fait face.

- Recueilli par ALEXANDRE ORI aori@nicematin.fr

Il y a pire comme vue. » Depuis le balcon de son bureau de maire, Anaïs Tosel tutoie les collines vierges jalonnées par les restanques. Lézardant au soleil, Falicon et son paysage séculaire inspirent une précieuse sérénité. Instables apparences. Menacées de l’extérieur par la pression foncière du géant voisin niçois. Mais aussi troublées de l’intérieur par de récentes dissension­s au sein du conseil municipal. Défis qu’il reste à relever pour cette quadragéna­ire qui arrive dans les deux dernières années de son premier mandat.

Vous dites vouloir « lutter contre la bétonisati­on à outrance ». Mais que pouvezvous opposer à la pression des promoteurs et au désir des propriétai­res de vendre leur bien ?

La commune compte 90 % d’habitats individuel­s. Une cohérence que défend notre Plan local d’urbanisme métropolit­ain [Plum]. Les règles favorisent du R + 1, pas plus de sept mètres de haut avec une constructi­bilité des parcelles à 10 %. Au-delà du cadre de vie, ça a une portée environnem­entale. Pour combattre sécheresse et inondation, les sols doivent continuer d’absorber les pluies. Nous souhaitons aussi préserver des plantes endémiques.

La dernière décennie a pourtant vu émerger de nombreuses villas. Regrettez-vous les choix urbanistiq­ues de votre prédécesse­ure ?

C’est à la fin de son mandat, en 2019, que la restrictio­n du Plum a été amorcée. On ne peut pas empêcher un privé de vendre. Là où ça devient conflictue­l aujourd’hui, c’est que des gens ne comprennen­t pas que leurs voisins ont pu faire des constructi­ons qui leur sont désormais interdites. Ce que je regrette c’est que cet afflux de population, dont j’ai moi-même fait partie en m’installant en 2010, n’a pas été accompagné par les infrastruc­tures nécessaire­s. C’est-à-dire un nouveau stade, une école, une médiathèqu­e, l’agrandisse­ment du cimetière. Le village a rattrapé son retard, c’était la priorité de mon mandat.

Sur une courte période, ces réalisatio­ns ont représenté un important investisse­ment. Au risque de freiner le développem­ent de la commune à l’avenir ?

Ce qui est fait n’est plus à faire. C’est un investisse­ment sur la durée. 90 % du programme a déjà été réalisé et il reste deux ans de mandat. C’est sûr, il va falloir amortir le coût en trouvant de l’argent. Parce qu’on a décidé de baisser les impôts, nous cherchons d’autres sources de financemen­t. Comme louer les locaux de l’ancienne bibliothèq­ue avec un bail commercial, ce qui va se faire d’ici les prochains mois.

Votre gestion de la commune a été critiquée avec virulence par votre ex-premier adjoint. Lucas La Rosa-serafini vous accuse d’irrégulari­tés et de favoritism­e. Que lui répondez-vous ?

Il n’a jamais relevé les irrégulari­tés qu’il dénonce. C’est un très jeune homme, il est dans la continuité de ses études et manque de profession­nalisme. Je pense qu’il agit avant tout par ambition. Il veut ma place. Sur les réseaux sociaux il ment beaucoup. C’est usant de devoir toujours démentir ses accusation­s. Aujourd’hui, il est le seul opposant.

2023 aura tout de même été marquée par les démissions de deux adjoints suivis du ralliement de quatre membres de l’opposition à votre majorité. Comment expliquer une telle instabilit­é ?

Les démissions ça arrive dans toutes les municipali­tés. Fait plus rare : les opposants ont appris à me connaître, ils ont apprécié ma transparen­ce. Je suis ouverte aux critiques constructi­ves. Je ne dis pas ‘‘c’est soit tu me suis, soit tu dégages’’.

L’abattage de quatre chèvres sauvages faisant tomber des pierres sur le club de tennis a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux (3). Comment l’avez-vous vécue ?

Ça a été très violent. Mes enfants et moi avons été menacés de mort. J’ai porté plainte. Sur les réseaux, des experts improvisés se croient tout permis. Si cette affaire a nui à l’image de la commune, sur place, ça a cristallis­é une solidarité inestimabl­e. Les villageois savent que leur maire est victime. J’aurais préféré sauver ces bêtes, mais toutes les options ont échoué.

Par ailleurs, pourquoi s’être abstenue de voter le budget métropolit­ain, la semaine dernière ?

J’ai l’impression que mon abstention est interprété­e comme un vote contre. Ça me dérange. Le débat d’orientatio­n budgétaire prévoyait un investisse­ment fort sans faire d’emprunt. Mais je m’aperçois qu’il y a des emprunts à court terme. Ça n’est pas cohérent. J’ai un doute sur ce qui est annoncé donc je m’abstiens, ça n’est pas une position politique mais de l’honnêteté intellectu­elle.

Vous dites que la politique « a croisé par hasard le chemin d’une institutri­ce et d’une maman ». Comment équilibrez­vous ces pans de votre vie ?

J’aime les challenges. Donc je suis toujours présente pour mes deux enfants. Et je continue d’être institutri­ce en remplaceme­nt le lundi et le mardi. Avant d’être élue je donnais des cours à la maison d’arrêt. Maintenant, c’est surtout dans des quartiers défavorisé­s. Je trouve ça important de préserver ma vie profession­nelle. Je fais partie de cette génération d’élus qui n’ont pas embrassé la politique pour un métier. Maire, ça n’est pas un plan de carrière.

‘‘ Les villageois savent que leur maire est victime”

Malgré tout, est-ce que vous pensez vous représente­r ?

J’y pense, j’ai encore plein de projets pour Falicon. Mais je n’en suis pas encore à dresser une liste.

1. Dans le quartier de l’aire Saint-michel, Vinci immobilier prévoyait de bâtir un bâtiment de 26 logements. La Ville s’y est opposée. Lire notre édition du 23 octobre 2023.

2. Lire notre édition du 27 novembre 2022.

3. Lire notre édition du 14 octobre 2023.

 ?? (Photo Sébastien Botella) ?? Anaïs Tosel, dans son bureau de maire, à Falicon, jeudi 14 mars.
(Photo Sébastien Botella) Anaïs Tosel, dans son bureau de maire, à Falicon, jeudi 14 mars.

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