Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Beuil : le camping dans le doute, le village se déchire
Élus déchus, retour du maire « démissionnaire », plaintes dans tous les sens… L’ambiance délétère depuis des mois à Beuil a explosé autour de l’avenir du camping municipal.
La guerre éclate de partout à Beuil. Sursaut du maire fantôme, élus désavoués qui contre-attaquent, menaces, plaintes pour harcèlement et diffamation dans tous les sens… Chaude ambiance, dans ce village du Cians, voisin de Valberg ! Tout a pété le 13 février, au sujet de l’avenir du camping du Cians. Un terrain communal, exploité par Julie Orselli depuis 2014, dans le cadre d’une délégation de service publique (DSP). Ce contrat prend fin en 2025 mais le conseil municipal et l’exploitante ne sont pas d’accord sur la suite.
Le camping s’estime lésé
Julie Orselli explique avoir investi « 700 000 euros » sur le terrain – restaurant, hébergements, spa… – et veut changer de formule. Elle s’estime lésée par la DSP et voudrait racheter le terrain.
En face, il y a le premier adjoint. Nicolas Donadey est présenté comme le leader d’un groupe d’élus qui a progressivement pris le pouvoir. D’abord, en marginalisant le maire, Roland Giraud, peu après l’élection. Puis, en faisant sauter l’ancien premier adjoint, Jean-louis Cossa.
Le maire fantôme
Depuis, le jeune homme tire les ficelles. Nicolas Donadey, pisteur et ardent défenseur de la station de ski de fond, mène les projets, signe les documents, revendique le redressement budgétaire de Beuil, dirige le bulletin municipal Le Gruppias.
Bien aidé par la fuite du maire – par ailleurs médecin de Valberg et figure locale - – unanimement qualifié de fantôme (Il n’a pas répondu aux nombreuses sollicitations de Nice-matin). Ce qui va très bien au premier adjoint. « Ça fait deux ans qu’on avance tranquillement ».
Les négociations n’ont pas abouti
Nicolas Donadey a donc géré depuis deux ans le dossier du camping. Un enjeu touristique majeur pour cette commune qui vit à l’ombre de Valberg. Mais à quelques encablures de l’échéance, il n’y a pas d’accord.
« Le conseil municipal s’est prononcé contre la vente du camping,
relate-t-il. Il fait partie du domaine public de la commune. Il ne peut être cédé sans une procédure de déclassement qui mettrait le camping en friche ».
La donne n’a rien de simple. « Tout ce que j’ai construit m’appartient,
assure Julie Orselli. À la fin de mon contrat, je démonte. Et quand il y a un changement de gestionnaire, il faut reprendre toute la masse salariale. Quand ils se retrouveront avec 170 000 euros de salaires, les factures électriques, de gaz… et un camping vide qui rapport 40 000 euros, servent-ils les intérêts de la commune ? », tacle-t-elle.
Opposé à un écologiste
En plus de ce dossier brûlant, Nicolas Donadey fait face à un autre ennemi, qui défend la gérante du camping. Dominique Allemand tient un gîte où il accueille régulièrement les membres de son association « La montagne qui donne, en vie ». Un écologiste, détracteur de l’économie du ski à Beuil et ailleurs, face au changement climatique.
Le premier adjoint a dans son viseur les soirées de l’association et le bâtiment, jugés illégaux. Allemand, qui a reçu plusieurs visites des services de l’état, s’en défend. L’un et l’autre s’accusent de harcèlement, de diffamation et d’ingérence ; en justice, sur les réseaux sociaux ou dans le bulletin municipal.
Frustré que l’enquête de gendarmerie
n’avance pas, Dominique Allemand a rendu public des discussions privées dans lesquelles les élus municipaux mettent des coups de pression, s’en prennent à Julie Orselli, mais aussi et surtout au maire, qualifié de « ptit vieux », « ptit gros » , ou de « c...ard ». « À part un bon coup de pelle, rien ne l'arrêtera ».
Un coup venu de nulle part
Tout ce beau monde s’est rendu au conseil municipal du 13 février, qui avait donc tout pour être une grande fête (non). « Pas sûr qu’un conseil s’est déjà tenu dans ces conditions dans la Ve République », s’outre Nicolas Donadey. Les uns disent que les autres les ont insultés, voire donné des coups, et vice-versa.
Mais le vrai coup est venu de celui qu’on n’attendait plus. Sans prévenir,
le maire a retiré leurs délégations à Nicolas Donadey et à un autre adjoint, Noël Magalon. Sursaut d’autorité de Roland Giraud, pour ceux qui applaudissent. Les déchus parlent de « décision non motivée », et surtout de « déstabilisation » ,et « d’influence ». Et ont étalé leurs attaques et leur rancune… dans le bulletin municipal.
En taclant le maire « démissionnaire », ils appellent sans sourciller à des conseils municipaux « sans public » pour ne pas « subir ces pressions qui sont un déni de démocratie ». La preuve : le maire aurait été entouré de son exfemme Martine Portal, ainsi que Julie Orselli, gérante du camping et… ex-belle fille de Roland Giraud. Toutes deux accusées d’être « aux commandes de la commune ». Alors Nicolas Donadey crie dès qu’il le peut au « conflit d’intérêts ».
« Ego blessé »
« Leur ego a été tellement blessé qu’ils ont sorti ce truc, éclate Julie Orselli. Ma mère et Roland sont séparés, en procédure de divorce et ne se parlent pas. Le pouvoir qu’ils me donnent ! Ça ne m’intéresse absolument pas… Et je gérais le camping avant l’élection du maire et je n’ai jamais rien demandé. Mais il a tout à fait conscience que si on s’en va du camping, ça va coûter une fortune à la commune ».
Le sort du camping du Cians n’a toujours pas été tranché et doit être évoqué dans une prochaine réunion. Reste à savoir qui va désormais diriger la commune : le maire absent ou les adjoints sans délégations ? « On peut toujours travailler sur les projets structurants, promet le premier adjoint Nicolas Donadey. Le maire peut les ralentir, mais pas les bloquer. »